lundi 17 mars 2008
Erratum
J'ajoute une 41e et derniere raison de m'ennuyer du Quebec:
OUI, CHRISTIAN DUBOIS, JE M'ENNUIE DE TOI AUSSI.
dimanche 16 mars 2008
Ou va le monde?
J'ai ecrit un premier jet sur 20 raisons d'aimer le pays, pour moi-meme. Ca m'a pris trois minutes. Je pourrais en trouver mille, mais je vais les garder pour la conclusion de ce blogue, a mon retour au pays ou un peu avant. Pas vendre le punch, quand meme. Juste teaser un peu.
***
J'ai finalement mis ma rancune de cote et socialise avec le Tcheque roux.
Nous avons echange sur ces rabatteurs qui vous suivent sur les ghats, en nous matraquant de questions (which country, which country?).
" Parle moi z'en pas, qu'il dit. A toutes les fois que je repond: I come from tchek republic, ils me disent: Yes, Public, very good country."
Je compatis, mon gars. :) Maintenant t'es mon ami.
***
Je relis mon document de preparation pour mon stage au Vietnam, emis par l'organisme quebecois Horizon cosmopolite. Plusieurs questions et faits tres interessants y ont ete souleves et je vais en partager quelques uns avec mes lecteurs.
Ceux-ci ont ete inspires par le site: www.populationdata.net. Je me suis permis d'en copier certaines parties integralement pour la cause, je pense que ca vaut la peine.
Supposons que le monde entier serait un village de 100 habitants:
- Ce dernier comporterait 58 Asiatiques, 4 Africains, 14 Americains et 13 Europeens; 51 femmes, 49 hommes; 50 enfants de moins de 15 ans.
- 20 personnes (uniquement des hommes) possederaient 80% des richesses du village. Et parmi ces 20 hommes, une seule personne en possederait a lui seul la moitie.
- 42 personnes ne boiraient jamais d'eau potable.
- 5 enfants travailleraient dans des conditions d'esclavage.
- 60 personnes sauraient lire, ecrire et compter, et 40 seraient des hommes.
- 50 habitants seulement auraient acces aux soins de sante.
- 30 personnes gaspilleraient 90% des ressources naturelles et energetiques du village.
Autre fait saillant: LA MOITIE DE LA POPULATION MONDIALE vit actuellement avec moins de 2$ par jour.
***
A la lumiere de ces faits, j'ai la vive impression que l'acces a l'education au Quebec n'aura pas su nous dresser un portrait bien juste de la situation mondiale, ne serait-ce qu'une question de priorites. Derriere tant de ressources pour nous informer, nous nageons tout de meme dans une ignorance quotidienne, et j'oserais meme ajouter que nous en sommes responsables. Y'a pas vraiment de quoi peter de la broue.
Je suis avide d'en discuter plus en profondeur... Pour ceux qui aimeraient me partager leur point de vue, je serais ravie de recevoir un courriel de votre part:
vanille_pamplemousse@hotmail.com
(Oui. L'adresse que j'ai choisi quand j'avais treize ans et que je n'ai jamais pris l'initiative de changer pour quelque chose de plus... professionnel).
***
Dans un tout autre ordre d'idee, j'ai lu sur cyberpresse cette semaine qu'une femme a passe deux ans assise sur le siege de sa toilette, a se dire: je vais peut-etre sortir de la salle de bain demain. Deux ans, c'est le temps qu'a pris son conjoint pour constater qu'il y avait un probleme.
...
OU VA LE MONDE?
samedi 15 mars 2008
Racines
Mononc Rene a fete sa retraite au chalet de Sparain et Sparaine, au Saguenay. L'un des plus gros party de famille des Tremblay-Gravel que je n'avais pas connu depuis loooongtemps. Peut-etre que je melange plus d'un party a la fois dans mes souvenirs...
Je me souviens vaguement qu'on avait bande les yeux de Mononc pour lui faire couper du bois. C'est une fois qu'on lui a retire le bandeau qu'il a ete a meme de constater qu'on avait foutu ses tits-bas sur la buche. C'etait rigolo.
Mononc Rene avait fete haut la main. Et il etait particulierement comique.
Et voila que, bonne humeur et nez rouge aidant, il se penche vers mes treize ans, pour me dire bien fort:
"Toe, la... T'as vraiment les genes de ta mere!"
Et c'est le moment de ma vie ou j'ai pleinement senti, en toute simplicite, ou etaient mes racines.
Par racines j'entends la ou on commence a pousser. Le point d'ancrage, qui ne determine pas necessairement ce que l'on devient, une plante, une fleur, un arbre, une mauvaise herbe ou une carrotte. Simplement le sol qui recoit la graine. Un point de depart.
Voici un update, un peu vague peut-etre, sur ce qui se passe avec mes racines, ici. Oh boy.
***
Commencons par un episode anodin. Il y a un tcheque roux, avec des cils roux donc ca lui fait des yeux globuleux, et un tout petit nez et un sourire gene, qui occupe la chambre en face de la mienne.
Il a decide de se consacrer aux tablas genre 12 heures par jour, il ne prend des pauses que pour aller manger sur le toit de temps en temps.
Le lecteur doit se dire: ah tiens. De quoi developper une belle complicite. Une histoire d'amour, peut-etre. Que de belles rencontres en voyage.
Non que je veuille induire le lecteur dans l'erreur:
1. J'aime pas particulierement les roux.
2. J'aimais bien les tcheques a l'age de 15 ans parce qu'ils etaient grands et blonds. Celui-la ne compte pas parce qu'il est roux. Et en plus, les tcheques sont bizarres, ils parlent jamais, et quand ils parlent on se sent toujours inconfortables.
3. IL M'ENARVE.
Je l'entends pratiquer. A journee longue. Et j'entre dans un stupide climat competitif qui me gobe ma passion. Je commencais justement a en avoir marre de passer mes journees dans cette chambre glauque de cette ville glauque pour pratiquer mes tap-tap sur la peau de chevre. Et voila que je me fais enterrer par ses tap-taps a lui, tout content d'etre meilleur que moi.
Je decide de faire preuve de bonne volonte et de le complimenter sur ses performances, quand je le croise a l'etage. Tse, se montrer interesse quand on est jaloux. C'est un pas dans la bonne direction.
" Merci, qu'il repond. Mon prof aussi t'a entendue jouer. Il dit que tu joues trop doucement, que tu n'as pas beaucoup de force."
!!!
Dude, tu viens de me tuer.
1. J'AIME PAS LES TCHEQUES. Ils sont pas normaux. Ils ne savent pas communiquer.
2. J'AIME PAS LES ROUX.
3. J'aime pus les tablas.
Eh oui. Je suis dans un pays d'exces. Je vais m'exprimer de maniere excessive.
***
Tous les apres-midis, quand je vais lire mes courriels, il y a au moins 5 personnes qui m'arretent dans les petites ruelles pour me demander: "Madam, where going? Where going Madam". Moi toute timide qui regarde le plancher, ben plancher est une hyperbole disons plutot garnotte, dechets et marde de vache, je dis: "Euhm... Going not very very far, pas besoin d'aide c'est bien gentil." Par un mecanisme bien malsain je commence a en avoir marre de me faire demander where going madam a tous les deux metres. J'envisage de me promener avec une pancarte dans le cou: Madam going not far, tank you. No help needed.
Sinon, quand je sors des ruelles pour marcher sur le bord des ghats, c'est une toute autre histoire. La, on prend son temps pour vous aborder. On s'avere generalement un jeune homme au grand sourire qui s'approche, bien gentiment, et tient a peu pres ces propos, avec une progression quasi-exacte:
" Hey, Madam! Which country? (On oublie les phrases completes, dois-je preciser, pour qui n'aurait pas remarque).
- Canada.
- Vancouver, Toronto, Montreal? (precisement dans cet ordre).
- Montreal.
- "Bonnejouw comma sava?" See, I speak french.
- Fluently, a part de t'ca.
- It's because I have some friends in Montreal.
- Le monde est petit! As-tu parle l'autre gars dix metres en arriere de nous, celui qui jase avec une grande blonde? Lui aussi il vient de me dire, v'la cinq menutes, qu'il a des amis a Montreal. C'est peut-etre les memes.
- First time in Varanasi?
- Yes.
- For how long?
- One more week (une semaine de plus ici... ca va etre loooooong).
- Madam married?
- Non, madam pas married."
No explanation needed. Je veux pas etre pognee pour expliquer que les gens de ma generation font des bebes qui naissent pas avec la benediction de la commission scolaire et pour eux, mariage est un mot appris dans des films de Walt Disney. Mais je suis pas capable de mentir.
Comble: pour repousser les intrus, j'ai meme pas pris l'initiative de m'acheter un faux jonc et faire semblant d'etre trainee dans ce pays bordelique par mon pauvre mari en voyage d'affaire. Mari qui pese 200 livres de muscles et qui aime pas trop qu'on me suive dans la rue, cela va sans dire. Non. Meme pas fait l'effort de m'inventer un male pour la cause.
Maintenant qu'on a fait le tour de la question, mon origine, mon statut, ma langue maternelle, Monsieur-je-viens-te-deranger-dans-les-rues-de-Varanasi-pour-devenir-ton-ami se lance:
"Veux-tu voir mon magasin de soie?"
Aaaaaah comme j'aime ce moment delicieux de la conversation ou il en vient au gros jus du propos. L'instant tant attendu ou je peux dire: NOOOOOOON je veux rieeeeeeen j'aime pas magasiner, j'ai besoin de rien, de rien, de l'eau, du pain et de l'AMOUR!
C'est plus facile de leur dire non quand ils disent directement ce qu'ils veulent.
... sauf quand ils ont 8 ans et qu'ils vendent des bougies ou des cartes postales.
Ils sont des centaines dans cette situation - et ils sont tous beaux. C'est epouvantable devoir travailler a cet age-la, ca vient secouer l'idee qu'on peut se faire de la justice, visceralement. C'est difficile de dire non. Mais on peut pas dire oui tout le temps. Et on se demande si on aide vraiment en achetant. On veut boycotter. On veut aider. On veut s'assurer que l'argent se retrouve dans ses poches. La situation nous depasse. Fuck, il a huit ans.
Un soir je marche sur les ghats pour me rendre a l'hotel. Un petit garcon particulierement mignon me suit avec son panier de chandelles et engage la conversation. Je n'ai pas de change, alors je lui promets que si je le recroise dans les jours a venir, je vais lui acheter une, une petite chandelle.
Le lendemain, comme de fait, Maryse et moi nous levons a 5 heures pour aller voir le soleil se lever sur le Gange, lors d'une promenade en bateau. En montant dans la barque, qui je vois pas.
" Je le reconnais, lui! Que je dis a Maryse. Je lui avais promis que je lui acheterais une chandelle."
Je lui fais signe de monter a bord, que je puisse respecter ma promesse.
" Ils font ben pitie, mais c'est toutes des p'tits crisses, me dit Maryse.
- Non, lui il est gentil. "
Je sors un billet de 10 roupies, sachant que sa marchandise en vaut 5.
Le gamin me regarde avec dedain et se met a m'engueuler:
" Seulement dix roupies? Tu es riche, tu peux payer plus que ca. Combien tu mets? "
Je n'ai eu besoin que d'ouvrir grands les yeux pour qu'il prenne les dix roupies en vitesse et regagne la rive par une autre embarquation.
" ...P'tit crisse.
- Je te l'avais dit."
- Je sais pas quoi penser, Maryse. Je suis biaisee. Je comprends pas ce pays.
- C'est quoi ca?
- Quoi?
- Ca?" dit-elle en me pointant la rive.
Merde.
Merde.
Merde.
" C'est un cadavre de femme.
- Et ce qui se fait manger par un corbeau, c'est...
- C'est son entre-jambes. "
Oui.
A cote, comme sur une carte postale, c'est l'offrande au fleuve, les femmes y prennent leur bain en sari sous la douce lumiere d'un soleil oranger. Personne ne semble remarquer quoique ce soit. Ca fait partie du paysage.
Le batelier rigole, se fout un peu de notre gueule et explique le principe du ghat de cremation, ou ils font bruler les defunts 24 heures sur 24 apres les avoir enveloppes dans de magnifiques linges blancs, pour ensuite jeter leurs cendres dans le Gange et liberer leurs ames. "On ne brule pas tous les corps. Les animaux, les enfants, les saddhus, les lepreux et les femmes enceintes sont directement jetes a l'eau , apres avoir ete attaches a une grosse roche."
Tiens tiens. Ca fait partie de la culture... comme la mort fait partie de la vie, faut croire.
***
J'ai mon cours de tabla. Le dernier, je l'espere, il faudra en convaincre Guru-jee (!!!).
Je suis aussi saturee de cet instrument que de cette ville. Noter que j'ai passe deux jours au lit a manger des advils comme des Ringolos. A essayer de dormir. Malgre les percussions de mon charmant voisin.
Mon professeur vient d'entrer, je mets mon echarpe jaune a l'effigie de Shiva sur mes genoux pour lui faire plaisir, je m'echauffe un peu sur le tambour.
Il n'en faut pas plus pour que L'AUTRE d'a cote se decide a m'enterrer.
Toum toum Ta Ta Toum Toum-ecoute-comment-chuis-bon Ta-Ta-toi-tu-joues comme-une-moumoune. LA PAIIIIIX!
Je glisse un mot a mon professeur.
" Puisque je quitte bientot Varanasi pour Mumbay, je pense que je ce cours sera mon dernier.
- Pourquoi? (TOUJOURS expliquer).
- Parce que... j'ai des commissions a faire.
- Je peux venir a cinq heures.
- Tu viens TOUJOURS a cinq heures. Et a tous les jours je ne fous rien a part aller sur Internet parce que mon cours est a cinq heures. Tous les jours je me dis que je vais avoir le temps de faire autre chose, mais c'est jamais vrai.
- No problem. Je vais venir a cinq heures, alors.
- Non tu comprends pas. Je veux PAS avoir de cours demain (gosh, c'est dont bien difficile).
- Pourquoi?
- Je commence a manquer de concentration. "
Toum toum Ta Ta Toum Toum-ecoute-comment-chuis-bon Ta-Ta-toi-tu-joues comme-une-moumoune, toujours en background.
" D'accord, je comprends. "
Comme ce fut evident.
Tout est evident ici.
" Ton echarpe, mets-la sur tes epaules, me dit Guru-jee.
- Pardon?
- Ne mets pas l'echarpe sur tes jambes. Shiva regarde du haut de l'Himalaya et il n'aime pas ca, c'est vulgaire. Mets-la sur tes epaules."
TU ME NIAISES.
Soudainement, c'est physique.
J'ai une montee de trop-plein.
J'ai envie, TELLEMENT envie de lui dire ceci:
Il y a centaines de milliards d'etoiles dans cette galaxie, et des milliards de galaxies dans l'univers. Peux-tu m'expliquer comment un Dieu assez grand pour creer tout ca peut faire tenir ses fesses sur un sommet de l'Himalaya? Et par le fait-meme, un Dieu qui a choisi de n'informer que l'Inde de sa domination sur le MONDE ENTIER pourrait-il vraiment etre fru contre une Quebecoise, qu'il a tenue dans l'ignorance presque toute sa vie, parce qu'elle met une FOUTUE ECHARPE SUR SES GENOUX?
Mes racines sont ebranlees. En faite, c'est l'idee que je puisse me faire des racines du monde qui sont completement ebranlees. Les reponses ne sont ecrites nulle part.
Et l'Inde me le rappelle a chaque minute.
Mais croire, c'est croire. Et la croyance fait partie des racines de l'homme.
Je regarde les grands yeux lumineux mon professeur, plein de bonne volonte. Je me contente de dire en riant:
" Il fait 30 degres, c'est un peu chaud pour l'echarpe.
- On peut partir la fanne! "
Ben oui. C'est LOGIQUE.
Je pars la fanne, je mets l'echarpe sur mes epaules.
Le respect. Ca aussi, et surtout, ca fait partie de mes racines.
lundi 10 mars 2008
40 raisons de s'ennuyer quand meme du Quebec
Un jour avant que je parte, sur le toit d'un restaurant de Rishikesh autour d'une heure ou deux du matin, Raj (Indien de Mumbay etabli en Grece, dois-je le rappeler) s'engage dans des discussions avec le sang qui bouille. Et il m'engueule. Il m'engueule parce que, supposement, je ne montrerais pas un regard bien objectif sur l'Inde, je serais trop optimiste, trop gentille, trop inconditionnelle et ca l'emmerde. "Apprend a chialer, Kshatrya."
!!! Quelle surprise.
Je suis polie et respectueuse de l'Inde.
Je ne veux emmerder ni Indiens ni Quebecois en blamant les moins bons cotes de ce pays qu'il me prendrait plus d'une vie pour comprendre bien en profondeur. Chialer est mauvais pour la sante.
Mais ici, pour mettre les choses bien claires, avec tout mon amour pour l'Inde, je vais me lacher lousse.
20 RAISONS DE NE PAS AIMER L'INDE
1. Il y a toujours au moins 8 fautes dans un menu.
2. L'electricite choisit un moment de la journee pour planter. Si vous avez besoin de prendre une douche, too bad. Si vous utilisez Internet, too bad.
3. Dans toutes les salles de bain propres, il y a des boules a mites.
4. Impossible de trouver une secheuse. Laveuse est deja ici le summum de la modernite.
5. Meme quand ca fait longtemps que t'es la, pour celui qui veut te vendre quelque chose, tu viens toujours d'arriver. C'est incomprehensible pour un vendeur de cartes postables qu'une chataine a la peau blanche qui porte des jeans n'en ait pas besoin.
6. Tu te reveilles avec des piqures louches a des endroits louches.
7. Les indiens pensent que la patate est un legume sante. Ils ignorent ce que feculent signifie, alors ils te servent du curry de pommes de terre avec du riz et du pain. Non, l'Inde ne respecte pas le guide alimentaire canadien.
8. D'ailleurs, pour les occidentaux, la tomate est generalement un legume rouge et juteux avec un gout sucre et acide. On la retrouve dans la section legumes du supermarche ou en boite, pour en faire des sauces. Ici, "tomate" et "ketchup" sont souvent employes comme des synonymes. Attention si vous commandez des "pates aux tomates" en Inde.
9. Dans la rue, marcher implique un stress constant. Surveillez toujours ce sur quoi vous pouvez mettre le pied (comprendre: BOUSE de vache), ce qui peut vous tomber dessus (comprendre: CRACHAT du gars sur son toit), ce qui peut vous foncer dedans (comprendre: un eventail larges de corps en mouvements allant de la vache a la brouettes pleine de ciment et au becyk a gaz).
10. Oui. ENCORE la diarrhee.
11. On te regarde en riant, et tu n'as aucune idee pourquoi.
12. Tu peux jamais te brosser les dents avec l'eau du robinet.
13. Tu peux pas sortir en boxers sur ton balcon.
14. Tu bronzes juste des bras.
15. Ce que tu as VRAIMENT envie de manger, soit c'est introuvable, ou soit ton medecin te l'a defendu. Genre: sushis, on oublie ca.
16. Tu sais que tu pues.
17. La seule facon d'avoir l'air propre, c'est de porter du brun.
18. Des corps etrangers font partie de la nourriture. Des poils, par exemple.
19. Peu importe ce que tu demandes, les chances sont fortes que tu devras le repeter. Plusieurs fois.
20. Quand tu vas voir un film de Bollywood, tu vas attendre que les deux protagonistes s'embrassent. BEN Y S'EMBRASSERONT PAS. Leur cinema, c'est juste du gros teasing.
***
Je vais meme rajouter une couche pour mettres les choses ENCORE PLUS CLAIRES.
20 RAISONS DE S'ENNUYER DU QUEBEC
1. Le pain de St-Fulgence. Quelques lecteurs seulement comprendront la reference.
2. Quand on va au cinema, les toilettes sont super classe. Partout.
3. Parce que je peux jouer aux des (des avec accent aigu) avec ma grand-maman Rose meme si elle gagne tout le temps.
4. Parce que je peux me promener en auto avec ma mere et avoir le controle du systeme de son.
5. Parce que je peux aller dejeuner sur la rue Laurier ou St-Denis.
6. Parce que je peux aller souper chez mon papa et Isabelle, avoir des discussions animees en buvant du bon vin.
7. Parce que je peux m'endormir sur mon sofa au lever du soleil.
8. Parce que je peux attrapper le journal Voir au Provigo du coin et le lire devant un VRAI cafe de CAFETIERE et non sa copie en poudre.
9. Parce que j'ouvre grandes les fenetres de l'appart quand il pleut.
10. A cause du Festival de jazz, ou je peux me tremper les pieds dans la fontaine de la place des arts.
11. Parce que je peux laver MES planchers, MES draps, MA vaisselle. Laver sur de la musique des annees 80, cuisiner sur du jazz.
12. Parce que Aude sait toujours illuminer mes journees par un commentaire reflechi du genre: "avais-tu deja remarque que le poulet-mascotte de chez St-Hubert, la... Il etait CANNIBALE?"
13. A cause du Passeport, ferme maintenant malheureusement, mais le monde, le staff en particulier, la poutine aux pois verts et au bacon a cinq heures du mat, les pauses cigarettes, les potins, et meme la musique de mini-putt que Mathieu fait jouer avant l'ouverture.
14. Mes cours de son avec Guy, qui se transforment immanquablement en soupers aux paninis avec vin blanc et discussion sur les predictions apocalyptiques des Mayas.
15. Partager un pichet de Sangria sur une terrasse a cinq heures, en plein ete.
(Non. Je ne m'ennuie pas de l'hiver. J'ai vu les photos. Je suis pas jalouse de votre neige, ca, je l'admets).
16. Les pitounes du village (Julie, Chloe, Maite, Denise), et vos partys hawaiens. Je veux macarena dans le tapis a mon retour.
17. Mon cousin anonyme qui m'appelle tout content parce qu'il vient de se faire une nouvelle blonde, mais que celle-la elle a pas les cheveux blonds par exemple, contrairement a toutes les autres. Je te niaise Thierry.
18. Francois Perusse. RBO. Notre humour completement absurde et auto-derisoire. Ca manque.
19. De la tarte aux bleuets.
20. MES LECTEURS! :) Bonne fete Isabelle et bonne fete Mado, oui, c'est aujourd'hui.
***
Aucun doute, l'Inde me manquera egalement. Une simple petite pensee pour dire que malgre un etrange sentiment d'appartenance pour ce pays, je sais ou sont mes racines. Et c'est important. J'y reviendrai.
vendredi 7 mars 2008
Jus de main
Maryse a craque pour les cordes; j'ai suis davantage attiree par les percussions. C'est a l'improviste que nous avons decide de suivre des lecons de musique a meme le guesthouse sous les conseils de son proprietaire (qui, d'ailleurs, s'averait jadis a posseder son propre magasin d'instruments, d'ou ses nombreux contacts).
Sitar et tablas sont un couple indien aussi celebre que Rama et Sita, d'ou l'interet de partager la cacophonie du premier cours.
Le professeur de Maryse est chetif et porte de petites lunettes qui donnent l'air intelligent; il la force a s'asseoir dans une position manifestement insupportable afin de mieux pincer les cordes. Mon professeur a moi est un petit homme souriant et chaleureux, avec de grands yeux noirs et une epaisse chevelure.
Il m'attrappe la main droite et la pognasse genereusement.
"Dieu t'as donne de bonnes mains, qu'il dit. C'est bon, t'as beaucoup de peau, belle synergie avec celle de la chevre. Good karma."
C'est surprenant qu'il me dise ca parce que ma professeur de cuisine m'avait deja beaucoup parle des mains. "La bouffe indienne n'est bonne seulement parce qu'on mange avec les mains, qu'elle dit, mais parce qu'on cuisine avec les mains. Ca prend du JUS de main."
Avec tous les dhals et les curry, une palette impressionnante de pains (Naan, chapati, parantha, dosa, etc.) servent effectivement d'ustenciles. Leur delicate confection faisait partie integrale de mes lecons, par consequent j'ai passe un temps impressionnant a jouer dans la pate. Peu importe ce que vous pouvez imaginer, ce n'est JAMAIS assez mou; il faut malaxer comme un homme, avec le poing, la paume, les jointures. Au bout d'un moment la pate prend la temperature du corps, et on lui donne un peu une ame de mammifaire a sang chaud, elle finit par ne faire qu'un avec le mou de main.
Mou de main aidant, je cogne sur les tablas et pas un son.
"Pense a Shiva, il aime bien danser. Si tu joues pour lui, il va t'apporter son aide."
Le type est serieux.
Je me concentre sur le regard bienveillant de Shiva, imposant sur une affiche geante a cote de la penderie.
Quelque chose me dit soudainement de recommencer le lendemain.
...Et depuis une semaine, j'en fais trois heures par jour.
***
Le principe du guru (ou professeur, en hindi): l'obeissance absolue de ses eleves. Guru-jee dit: coupe-toi l'annulaire et deguise-le en giraffe, on niaise pas, il s'attend vraiment a ce que tu le fasses.
C'est ce qui m'est arrive.
...
Non. C'est une blague.
J'ai pourtant decide d'adopter la philosophie indienne et, contrairement a tous les profs de piano, de chant ou de guitare que j'ai eus dans ma vie, j'ai decide de faire exactement ce guru-jee me demanderait.
Il faut dire que Andu Guru-jee n'est pas du genre a peter de la broue. Peu importe ce que je fais, il sourit en disant: "Good hands."
Tous les jours, j'ouvre grandes les fenetres de ma chambre et la porte du hall, et je s'accueille mon professeur en joignant les deux mains : "Namaste guru-jee", ce a quoi il repond avec le meme geste: "Namaste Genevieve-jee". Quand on appelle son interlocuteur jee, c'est un grand signe de respect, generalement adresse aux aines. Mon professeur me dit jee, parce qu'il aime bien mon karma.
Un jour d'ailleurs il m'appelle: "Rajkumari-jee" (princesse-jee), parce qu'il sait que ca me fait sourire et il dit que c'est bien mieux de sourire quand on joue des tablas.
Et nous mettons les bouchees doubles pour deux bonnes heures a se matraquer les jointures sur le cuir. Quand j'ai trop mal quelque part (et les zones sont nombreuses, etonnamment, car jouer du tabla implique tout le corps), je commande du chai brulant et l'ecoute jouer pour quelques minutes. Ses doigts deviennent litteralement des papillons sur l'instrument et il emplit la piece d'une grande joie de vivre.
Parce que vraiment, je suis surprise de constater a quel point les tablas rendent heureux.
***
De retour sur le toit avec Maryse, un groupe de jeunes voyageurs aux origines heterogenes accaparent la television pour se tapper la trilogie du Seigneur des anneaux. Maryse est enthousiaste et s'arme de patience pour m'en faire le recit - entrecoupe, biensur, de premieres conversations avec les autres backpackers.
Avant la fin du deuxieme tome, nous nous retrouvons entasses a huit dans une de nos modestes chambres pour un grand jam sitar-tablas-guitare-flute. Ma performance a une odeur bizarre, mais tout de meme. Je pense a Shiva.
***
Deuxieme nuit de la Shivratri, nous sortons en gros groupe dans les rues animees pour aller voir un concert gratuit. Ce que j'ignore encore quand nous quittons le guesthouse avec une gourde de benglassi (cadeau du staff de l'hotel), c'est que je m'apprete a voir a l'oeuvre une veritable legende du tabla.
Apres avoir marche pendant pres d'une demie-heure, nous aboutissons pres du temple de Durga, ou une grande salle en plein air accueille plusieurs centaines de gens. Nous prenons place sur l'immense drap blanc pose au sol, assez loin pour ne rien voir, mais apprecions tout de meme un long interlude du trio sitar-tablas-danse. Evidemment, moi je pense qu'on est deja dans le jus du spectacle et j'aime bien, je crois que c'est le grand maitre que je vois a l'oeuvre.
Non.
Le grand maitre, Zakir Hussein, apparait beaucoup plus tard, apres un tres long discours ou les benglasseux en extase se tappent la poitrine comme Celine Dion, nous on applaudit quand tout le monde le fait.
Le maitre s'echauffe les doigts pendant longtemps. Je me pogne le beigne, moi qui pensais que le spectacle allait finir une heure plus tot. En plus, vois rien.
Mais quand il commence a jouer POUR VRAI, je me rends rapidement compte que je n'ai pas besoin d'etre bien placee: au bout d'un moment, c'est immanquable, je ferme les yeux. Les sons percutent bien au-dela des tympans, ils se transforment plutot en courant electrique qui me parcourent l'echine pendant plus d'une heure. C'est de la magie par intraveineuse, c'est de l'acuponcture auditive. Incroyable, tout simplement, ce que des mains humaines peuvent arriver a faire.
Quand je me remets debout, je n'ai qu'une idee en tete: je veux mes tablas.
MES PRECIEUX.
lundi 3 mars 2008
Benglassi
Je viens de quitter la paisible Rishikesh pour l'intense Varanasi, avec le moton comme on dit, un ballon de foot dans la gorge. Les nombreux aurevoirs n'ont pas ete faciles, meme si je repasse par cette ville au mois d'avril, ou la chaleur y sera bien plus supportable qu'ailleurs au pays. C'etait le temps de faire un boutte.
D'abord, le train, a 23 heures, pour un bon 20 heures de route. Les distances sont tout de meme impressionnantes, c'est pas Montreal-Quebec. Au moins on a une couchette bleu hopital presque confortable, meme une couverture et un oreiller. Vive la 2e classe. On mange tres tiede (bouffe d'hopital version curry), on se fait harceler par les vendeurs de chai et on evacue dans des toilettes qui deversent a meme les railles (oui oui: le trou des toilettes est a sol ouvert - l'une d'entre elles est occidentale, au moins). Dans l'ensemble c'est tres supportable. A condition de trouver les coquerelles sympatiques. C'est une experience, comme on dit.
LA GARE.
On m'avait dit que la gare de Varanasi etait quelque chose. Je confirme: La gare de Varanasi, c'est quelque chose. Quelque chose qui rappelle le milliard de personnes. Une fourmilliere humaine sous un trente degres celcius, un dortoir a ciel ouvert, ou nos peaux blanches sont des aimants pour les rabatteurs des hotels et les chauffeurs de rickshaws. On s'en tire avec une touche d'humour en attendant notre lift. A la recherche de l'office touristique, lieu de rendez-vous, on repere les yeux brides. Parenthaise: les Japonais savent toujours ou il y a de l'air climatise et ou on peut manger des legumes crus. Ils detectent les microbes et la salete. S'il y a des japonais dans un restaurant, tu peux manger en paix. Fin de la parenthaise.
Il se trouve que le fils de ma prof de hindi et de cuisine est proprietaire d'un charmant guesthouse sur le bord du Gange ou les chambres, grandes et propres, coutent 150 roupies la nuit (moins de quatre dollars). Mameejee a tout mis en ordre depuis Rishikesh pour s'assurer qu'on vienne nous chercher, Maryse et moi, une fois arrivees dans la grande ville - la plus peuplee qu'il m'ait ete donne de voir de ma vie. Encore plus que Delhi, il m'a semble.
La route jusqu'au Guesthouse est un party des sens, litteralement; niche quelque part dans des ruelles delabrees et etroites, les guesthouse est neanmoins charmant. A l'etage, un restaurant au plafond en bambou est le meilleur spot pour faire la farniente, bien evache sur les coussins au sol. Evache, c'est assez indien d'ailleurs comme terme, je trouve. Ca refere a la vache sacree. C'est ce que nous avons fait toute la soiree, devant une bonne biere. Meuuuuuuuuuh.
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Hier soir, c'etait Shivaraatri, ou Nuit de Shiva.
Petite histoire.
En tres tres resume, Shiva est la divinite associee a la destruction et la reproduction. Il est le plus prise a Rishikesh comme a Varanasi.
Au debut des temps, lorsque les mers furent secouees par une montagne portee sur le dos de Vishnu incarne en tortue geante (l'histoire est tres longue, je vais en sauter de longs extraits), une fiole de poison atroce emergea des fonds marins. Pour proteger les hommes de ses facultes destructrices, Shiva se sacrifia pour absorber le liquide; son effet fut si puissant qu'elle rendit sa peau bleue. Pour supporter la douleur, meme encore aujourd'hui (aux dires des hindoux), Shiva porte des serpents dans le cou, medite, danse longuement au son des tablas et surtout... fume des GROOOOOOOS BATTES.
En son honneur, la nuit du 5 au 6 mars, les hommes Indiens s'engagent a marcher pas moins de cent kilometres, debutant sur le bord des ghats (les ghats sont de longs escalliers qui descendent a meme le Gange, fleuve sacre; a leurs sommets se trouvent souvent des temples). Au lieu de prendre du Red Bull comme boisson energisante, ils preparent une mixture a base de yogourt liquide, qu'on nomme lassi, a laquelle ils ajoutent du jus de hash ou des feuilles de marijuana broyees afin d'en faire du BANG-lassi (benglassi). Encore plus drole: cette mixture est apparemment LEGALE et on peut se la procurer dans un nombre impressionnant de restaurants.
Avec d'autres touristes, Maryse et moi avons quitte l'hotel autour de minuit, marche dans les ruelles moyennageuses et labyrinthiques pour aboutir au sommet d'un ghat, d'ou nous pouvions observer des centaines d'hommes courir, geles comme des balles, qui criaient: BHOLE! BHOLE! (mot qui signifie a la fois "Shiva" et "Hashish"). Autour de nous, des chiens errants qui se mangaient les puces, du caca de vache, les lumieres de la ville qui se refletaient sur le Gange. En toute honnetete, le portrait n'etait pas particulierement rassurant. Mais le coup d'oeil valait tout de meme la peine.
Pas reposant, cette ville. Mais loin, loin, loin d'etre plate.