Je viens de quitter la paisible Rishikesh pour l'intense Varanasi, avec le moton comme on dit, un ballon de foot dans la gorge. Les nombreux aurevoirs n'ont pas ete faciles, meme si je repasse par cette ville au mois d'avril, ou la chaleur y sera bien plus supportable qu'ailleurs au pays. C'etait le temps de faire un boutte.
D'abord, le train, a 23 heures, pour un bon 20 heures de route. Les distances sont tout de meme impressionnantes, c'est pas Montreal-Quebec. Au moins on a une couchette bleu hopital presque confortable, meme une couverture et un oreiller. Vive la 2e classe. On mange tres tiede (bouffe d'hopital version curry), on se fait harceler par les vendeurs de chai et on evacue dans des toilettes qui deversent a meme les railles (oui oui: le trou des toilettes est a sol ouvert - l'une d'entre elles est occidentale, au moins). Dans l'ensemble c'est tres supportable. A condition de trouver les coquerelles sympatiques. C'est une experience, comme on dit.
LA GARE.
On m'avait dit que la gare de Varanasi etait quelque chose. Je confirme: La gare de Varanasi, c'est quelque chose. Quelque chose qui rappelle le milliard de personnes. Une fourmilliere humaine sous un trente degres celcius, un dortoir a ciel ouvert, ou nos peaux blanches sont des aimants pour les rabatteurs des hotels et les chauffeurs de rickshaws. On s'en tire avec une touche d'humour en attendant notre lift. A la recherche de l'office touristique, lieu de rendez-vous, on repere les yeux brides. Parenthaise: les Japonais savent toujours ou il y a de l'air climatise et ou on peut manger des legumes crus. Ils detectent les microbes et la salete. S'il y a des japonais dans un restaurant, tu peux manger en paix. Fin de la parenthaise.
Il se trouve que le fils de ma prof de hindi et de cuisine est proprietaire d'un charmant guesthouse sur le bord du Gange ou les chambres, grandes et propres, coutent 150 roupies la nuit (moins de quatre dollars). Mameejee a tout mis en ordre depuis Rishikesh pour s'assurer qu'on vienne nous chercher, Maryse et moi, une fois arrivees dans la grande ville - la plus peuplee qu'il m'ait ete donne de voir de ma vie. Encore plus que Delhi, il m'a semble.
La route jusqu'au Guesthouse est un party des sens, litteralement; niche quelque part dans des ruelles delabrees et etroites, les guesthouse est neanmoins charmant. A l'etage, un restaurant au plafond en bambou est le meilleur spot pour faire la farniente, bien evache sur les coussins au sol. Evache, c'est assez indien d'ailleurs comme terme, je trouve. Ca refere a la vache sacree. C'est ce que nous avons fait toute la soiree, devant une bonne biere. Meuuuuuuuuuh.
***
Hier soir, c'etait Shivaraatri, ou Nuit de Shiva.
Petite histoire.
En tres tres resume, Shiva est la divinite associee a la destruction et la reproduction. Il est le plus prise a Rishikesh comme a Varanasi.
Au debut des temps, lorsque les mers furent secouees par une montagne portee sur le dos de Vishnu incarne en tortue geante (l'histoire est tres longue, je vais en sauter de longs extraits), une fiole de poison atroce emergea des fonds marins. Pour proteger les hommes de ses facultes destructrices, Shiva se sacrifia pour absorber le liquide; son effet fut si puissant qu'elle rendit sa peau bleue. Pour supporter la douleur, meme encore aujourd'hui (aux dires des hindoux), Shiva porte des serpents dans le cou, medite, danse longuement au son des tablas et surtout... fume des GROOOOOOOS BATTES.
En son honneur, la nuit du 5 au 6 mars, les hommes Indiens s'engagent a marcher pas moins de cent kilometres, debutant sur le bord des ghats (les ghats sont de longs escalliers qui descendent a meme le Gange, fleuve sacre; a leurs sommets se trouvent souvent des temples). Au lieu de prendre du Red Bull comme boisson energisante, ils preparent une mixture a base de yogourt liquide, qu'on nomme lassi, a laquelle ils ajoutent du jus de hash ou des feuilles de marijuana broyees afin d'en faire du BANG-lassi (benglassi). Encore plus drole: cette mixture est apparemment LEGALE et on peut se la procurer dans un nombre impressionnant de restaurants.
Avec d'autres touristes, Maryse et moi avons quitte l'hotel autour de minuit, marche dans les ruelles moyennageuses et labyrinthiques pour aboutir au sommet d'un ghat, d'ou nous pouvions observer des centaines d'hommes courir, geles comme des balles, qui criaient: BHOLE! BHOLE! (mot qui signifie a la fois "Shiva" et "Hashish"). Autour de nous, des chiens errants qui se mangaient les puces, du caca de vache, les lumieres de la ville qui se refletaient sur le Gange. En toute honnetete, le portrait n'etait pas particulierement rassurant. Mais le coup d'oeil valait tout de meme la peine.
Pas reposant, cette ville. Mais loin, loin, loin d'etre plate.
1 commentaire:
Fascinant tout de même cet espèce de rituel... Mais cette façon de se geler comme une balle avec la bénédiction du clergé de la place, serait-ce pour oublier ou déformer la réalité CACAphonique dans laquelle ils vivent ?
En passant, y-a-t'il des chiens qui ressemblent à Mafalda, bien dodue, ou sont-ils comme je me l'imagine dans ma tête d'impérialiste, maigre et rachitique ?
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