mardi 8 avril 2008

Ca termine comme ca commence?

Un 15 octobre 2007, 10 jours avant le depart, j'ai ecrit, sur ce meme blogue:

"Maintenant, je me sens comme… tsé, quand tu vois quelque chose de très gros qui va te tomber sur le pied, tu le vois presque au ralenti, ça tombe, mais ça fait pas mal tout de suite tout de suite. Pour une fraction de seconde, tu sens seulement l’élan de la douleur, comme une fusée qui décolle. Je me sens drette dans cette fraction de seconde-là. C’est la prise de conscience qui s’en vient. C’est le moment où je vais me dire : fuck, qu’est-ce que j’ai fait. "

Comique. A la veille de mon depart pour la maison, j'essaie de faire une synthese des six derniers mois, de prendre conscience que je vais retrouver mon chez moi. Je ne realise rien. Je ne rescens pratiquement aucune emotion. Je suis saturee d'etre emue, faut croire. Pour faire un lien avec le precedent extrait, disons que je me sens comme la fille qui a pris beaucoup de pilules pour calmer son mal de pied et qui ne sent pus rien pantoute. Nulle part.

Le temps de rentrer, je pense.

(Je n'ai pas oublie les 20 raisons d'aimer l'Inde, elles sont en cours d'ecriture et paraitront sur ce blogue avant ou apres mon retour pour qui veut les lire).

vendredi 4 avril 2008

Enweye, shoot!

Je n'ecris plus beaucoup parce que je suis en mode: saturation.

Aeroport dans quatre dodos. Ca acheve. Je vais tout de meme publier, comme promis, au moins une vingtaine de raisons d'aimer l'Inde. J'y travaille.

En attendant, une petite histoire qui a enjolive mon arrivee a Bombay, le 18 mars. C'est leger, mais au moins, ca a le merite d'etre arrive pour vrai (!).

*Enweye, shoot!*

Je decide de savourer cette premiere journee en solitaire a Bombay en me la coulant douce sur Colaba Causeway, la rue la plus propre et la plus pleine de magasins de la megapole. Magapole qui semble futuriste une fois directement arrivee de Varanasi, la ville la plus crottee et la plus intense qu'il ne m'ait jamais ete donnee de voir de ma vie.

Je savoure environ quinze minutes de solitude avant qu'un jeune Indien typique, c'est-a-dire lunettes fashion des annees 70, jeans pre-salis, boucle d'oreille du cote gauche, voila je dresse bien le portrait, s'approche de moi et me demande: "which country". Damn, je suis tannee de l'entendre, celle-la. Kosse tu veux me vendre, la, toi.

Est-ce que je l'ignore ou est-ce que je suis polie jusqu'a ce qu'il me laisse savoir ce qu'il veut? Ah, ce fabuleux moment de clarte, j'en ai deja parle, celui ou je peux dire: Vaaaaas t'eeeen. :)

J'opte pour la derniere option, parce que j'ai un faible pour les belles montees dramatiques. Ca fait partie du fun de voyager, non?

Mais voila que ca s'etire plus longtemps que prevu.

Qu'est-ce que tu fais. Pourquoi t'es en Inde. Combien de temps t'es a Bombay. Nanananananana. Je reponds fermement sans retourner la question, signe de desinteret typiquement feministe. Dis-le, merde, que tu vends des bebelles, ou que tu veux que je devienne ta femme, SHOOTE. Le hic, c'est qu'il ne pose aucune question indiscrete. Il ne me regarde pas avec des yeux coulants, il n'a pas les mains balladeuses, bref, il ne me lance pas la balle qui me donne le droit d'etre bitch.

Parfois, j'entre dans un magasin pour regarder les gliglis, les jeans, les sandales a brillants, en esperant qu'il aille attrapper des mouettes bien sur, mais non, il m'attend bien patiemment a l'exterieur de la boutique. Qu'est-ce que je fais?

Un moment donne j'en peux plus, et je lui demande a mon tour: "Toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie?

- J'etudie pour devenir ingenieur et je suis en vacances de l'universite.

- Donc, qu'est-ce que tu fais dans les rues, comme ca? Tu vas rejoindre des amis? (Tu veux kidnapper des touristes pour les foutre dans le fond d'un puits, leur pitcher des pots de creme et te faire un manteau de peau blanche?)

- Je fais juste me promener et profiter de la journee."

Tres noble, finalement. Je me suis fait peut-etre traumatiser par mon Lonely Planet, qui met en garde contre toutes sortes d'atrocites qui se ramassent dans les chroniques de chiens ecrases, ou au telejournal de TQS.

Je prends un moment silencieux pour me demander si ce type aurait le potentiel pour me droguer et partir avec mon rein. Puis, je realise que ses fesses sont deux fois moins larges que les miennes. Hey hey, j'ai pas peur de toe, a bien y penser.

Finalement on passe sous l'aile d'un superbe edifice a l'architecture tres anglaise.

"C'est quoi ca?

- C'est l'universite.

- C'est ici que tu etudies?

- J'etudiais ici avant de changer de programme."

Dehors, des etudiants habilles a l'occidentale savourent un cornet de creme glacee sur les escalliers en pierre. C'est vraiment l'ete, le soleil est tappant. Et je commence a reellement apprecier mon apres-midi.

"T'as quel age?

- Quel age tu me donnes?"

Je lui regarde la tronche.

"T'as 22.

- Bingo. Toi?

- 20.

- T'es plus jeune que moi! J'aurais pas cru. Ca veut dire que t'es nee en 88?

- Juillet 87.

- Ben t'as 22 comme moi, d'abord, je suis ne en aout 87 aussi.

- Apprend a compter, dude. T'as pas 22 ans pantoute.

- Minute... On est en 2008, la? Ben... T'as raison, faut croire."


Kushaan et moi avons non seulement le meme signe astrologique, mais le meme signe chinois (meme si c’est plus assume dans mon cas); au fil de notre conversation, j'apprends que c'est a peu pres tout ce que nous avons en commun - ce qui ne nous empeche pas de passer tout l'apres-midi ensemble, a traverser la station de metro sur Colaba et le terrain de cricket pour aboutir sur la celebre Marine drive, nous asseoir sur le bord de l'eau pour compter les crabes sous un 40 degres bien rond.


Kushaan habite avec sa mere, son pere et ses deux petits freres. Il doit demander la permission a ses parents pour sortir avec des amis (il ne s’agit certainement pas une exception). Il n'a jamais bu d'alcool, jamais fume de cigarette, jamais pris de drogue.

Je ne suis pas exactement dans la meme position.

...Sauf pour ce qui est de la drogue, bien sur, maman et papa le savent que j'ai JAMAIS touche a ca de ma vie, meme pas avec un baton de bois, hein?

"Toi, tu habites avec tes parents? Qu'il me demande.

- Non. Ca fait deux ans que j'ai quitte le nid famillial.

- C'est individualiste, je trouve.

- Je pense qu'il y a du mieux et du moins mieux dans nos deux situations.

- Moi je pense que le mieux, c'est de se consacrer sur ses etudes, qu'il dit. C'est quoi l'interet d'aller vivre toute seule aussi jeune, anyway?

- Je vais te poser une question en guise de reponse: t'as-tu deja lave tes bobettes, mon gars?"

Il fait un petit sourire aspire, avec regard absent.

Laver?

...Quoi?

Beurrer ses toasts au beurre d'arachide, torcher un plancher, faire l'epicerie, ca fait pas partie de sa planete. Et les probabilites sont tout de meme presentes que ca le devienne jamais; apres mouman, c'est l'epouse qui se consacre aux taches menageres dans beaucoup de cas indiens. Je tiens cette information de sources.

"C'est quoi ton film prefere?

- Pulp Fiction.

- Pas vu.

- C'est un classique. T'as deja vu un film de Tarentino au moins?

- Oui, vu Kill Bill.

- OH YEAH! T'as vu les deux?

- Juste le premier, mais j'ai bien aime.

- Mais ca compte pas si t'as pas vu le deuxieme. C'est la qu'on apprend que Bill a garde le bebe, parce qu'en faite c'est son bebe a lui aussi (est-ce que je suis en train de vendre un punch, moi-la?)."

Au moment ou tout parait parfait, bon le bord de mer et tout, voila: il me SHOOTE ce que j'attendais depuis le debut.

Attention, c'est hardcore.

"Montre-moi ta main gauche, qu'y dit.

- QUOI?

- Ta main gauche. Veux voir.

- AAAAA-HA! Non. OVER MY DEAD BODY.

- Pourquoi?

- Parce que je sais precisement ce que tu veux lire dans ma main gauche.

- Qu'est-ce que je veux lire, d'abord?

- Tu le sais, j'ai pas besoin de te le dire.

- Si tu le sais, pourquoi tu veux pas me le dire?

- Parce que je veux pas te donner du jus.

- Je te demande pas de jus, veux juste lire ta main gauche.

- Nenenenene. Forget it."

Voila, je lui serre mollement la main avant de sauter dans un taxi. Je ne quitte pas tant a cause de sa curiosite que de ma metamorphose en red lobster.

Les circonstances ont fait que je ne l'ai jamais revu.

Et que je ne le reverrai probablement jamais.

*PARENTHAISE*

*...quelques semaines plus tot, German bakery, Lakshman Jula, Rishikesh*

Michelle la britannique, Raj l'Indien de Grece, Ashu du cafe internet et moi partageons chai et cigarettes sur le bord du Gange.

"Quelqu'un sait lire dans les lignes de la main?

- Moi je sais un peu, repond Michelle."

Elle m'attrappe la gauche.

"Ici c'est la ligne de vie. Ici c'est la ligne de la chance. La, c'est le coeur. Et la bosse ici... Ca, c'est pour savoir si t'es COCHONNE (je ne divulgue aucun resultat la-dessus sur ce blogue)."

On se la marre, et surtout a constater la parfaite plaine agricole dans la main de Raj. Je vais me coucher moins niaiseuse a soir.

*FIN DE LA PARENTHAISE*

Morale de cette histoire:

Au Canada, mesdemoiselles et mesdames, on vous a dompte a devenir des femmes fatales. On vous a appris comment detourner le regard, comment refuser gentiment avec un demi-sourire-qui-ne-veut-surtout-pas-dire-je-dis-non-mais-je-pense-oui. Depuis que vous etes petite, on vous dit de ne pas suivre les inconnus. Et on a raye, deux fois, au stylo rouge, l'option que l'homme de vos reves puisse vous aborder dans une station de metro. On a dresse pour vous la liste explicite des "circonstances" dans lesquelles des "rencontres" puissent se faire, le bar demeurant le terrain le plus borderline, et encore. Bref, quelqu'un qui veut devenir votre ami dans une situation trop improviste doit necessairement se heurter a des formules glaciales de politesse.

Mesdemoiselles, mesdames, celles qui ont voyage seules, et surtout en Inde, comprendront l'importance d'y faire une mise a jour, de type "extreme make over", de tout ce qu'on vous a appris, dans le domaine de la galenterie comme dans beaucoup d'autres.

Et voila, je remets en perspective une peur demesuree, qui date du debut de mon adolescence, quand quelqu'un que je ne connais pas vient me parler. Ca cause normalement chez moi un stress epouvantable et j'ai du apprendre a decompresser en ces lieux, question de survie pour mes pauvres nerfs. Voila que j'apprends le potentiel d'un echange avec un inconnu dans des circonstances moins... enveloppees dans du papier a bulles, dirais-je (le genre de papier qui developpe des troubles compulsifs chez moi, toujours, toujours plus de bulles a faire eclater)... Nous avons peut-etre tendance a nous priver de ce type de rencontres au nom du... quelque chose qui se rapproche du civisme mais ce n'est pas exactement ca... c'est plus pres de la prudence, en faite.

Avec Kushaan, je n'ai pas discute philosophie, politique, economie, developpement durable ou religions. Mais j'ai appris quelque chose de cet echange, tout de meme. En faite, la vie m'a dresse le portrait d'une vie presque diametralement opposee a la mienne, a l'autre bout du globe; etrangement celle d'un garcon ne sous le signe du lion en 1987. Et j'attrape a travers tout cela un petit morceau d'universalite.

Les GARCONS SONT TOUS PAREILS, dis-je.

lundi 17 mars 2008

Erratum

Un erratum special portant sur le billet: "40 raisons de s'ennuyer quand meme du Quebec", suite a la plainte d'un lecteur fidel, assidu et devoue.
J'ajoute une 41e et derniere raison de m'ennuyer du Quebec:
OUI, CHRISTIAN DUBOIS, JE M'ENNUIE DE TOI AUSSI.

dimanche 16 mars 2008

Ou va le monde?

Mes deux derniers billets, "Racines" et "40 raisons de s'ennuyer quand meme du Quebec", ont su demontre une critique un peu plus pessimiste de l'Inde.

J'ai ecrit un premier jet sur 20 raisons d'aimer le pays, pour moi-meme. Ca m'a pris trois minutes. Je pourrais en trouver mille, mais je vais les garder pour la conclusion de ce blogue, a mon retour au pays ou un peu avant. Pas vendre le punch, quand meme. Juste teaser un peu.

***

J'ai finalement mis ma rancune de cote et socialise avec le Tcheque roux.
Nous avons echange sur ces rabatteurs qui vous suivent sur les ghats, en nous matraquant de questions (which country, which country?).
" Parle moi z'en pas, qu'il dit. A toutes les fois que je repond: I come from tchek republic, ils me disent: Yes, Public, very good country."

Je compatis, mon gars. :) Maintenant t'es mon ami.

***

Je relis mon document de preparation pour mon stage au Vietnam, emis par l'organisme quebecois Horizon cosmopolite. Plusieurs questions et faits tres interessants y ont ete souleves et je vais en partager quelques uns avec mes lecteurs.

Ceux-ci ont ete inspires par le site: www.populationdata.net. Je me suis permis d'en copier certaines parties integralement pour la cause, je pense que ca vaut la peine.

Supposons que le monde entier serait un village de 100 habitants:

- Ce dernier comporterait 58 Asiatiques, 4 Africains, 14 Americains et 13 Europeens; 51 femmes, 49 hommes; 50 enfants de moins de 15 ans.

- 20 personnes (uniquement des hommes) possederaient 80% des richesses du village. Et parmi ces 20 hommes, une seule personne en possederait a lui seul la moitie.

- 42 personnes ne boiraient jamais d'eau potable.

- 5 enfants travailleraient dans des conditions d'esclavage.

- 60 personnes sauraient lire, ecrire et compter, et 40 seraient des hommes.

- 50 habitants seulement auraient acces aux soins de sante.

- 30 personnes gaspilleraient 90% des ressources naturelles et energetiques du village.

Autre fait saillant: LA MOITIE DE LA POPULATION MONDIALE vit actuellement avec moins de 2$ par jour.

***

A la lumiere de ces faits, j'ai la vive impression que l'acces a l'education au Quebec n'aura pas su nous dresser un portrait bien juste de la situation mondiale, ne serait-ce qu'une question de priorites. Derriere tant de ressources pour nous informer, nous nageons tout de meme dans une ignorance quotidienne, et j'oserais meme ajouter que nous en sommes responsables. Y'a pas vraiment de quoi peter de la broue.

Je suis avide d'en discuter plus en profondeur... Pour ceux qui aimeraient me partager leur point de vue, je serais ravie de recevoir un courriel de votre part:

vanille_pamplemousse@hotmail.com
(Oui. L'adresse que j'ai choisi quand j'avais treize ans et que je n'ai jamais pris l'initiative de changer pour quelque chose de plus... professionnel).

***

Dans un tout autre ordre d'idee, j'ai lu sur cyberpresse cette semaine qu'une femme a passe deux ans assise sur le siege de sa toilette, a se dire: je vais peut-etre sortir de la salle de bain demain. Deux ans, c'est le temps qu'a pris son conjoint pour constater qu'il y avait un probleme.

...

OU VA LE MONDE?

samedi 15 mars 2008

Racines

Dans un passe bien lointain...
Mononc Rene a fete sa retraite au chalet de Sparain et Sparaine, au Saguenay. L'un des plus gros party de famille des Tremblay-Gravel que je n'avais pas connu depuis loooongtemps. Peut-etre que je melange plus d'un party a la fois dans mes souvenirs...
Je me souviens vaguement qu'on avait bande les yeux de Mononc pour lui faire couper du bois. C'est une fois qu'on lui a retire le bandeau qu'il a ete a meme de constater qu'on avait foutu ses tits-bas sur la buche. C'etait rigolo.
Mononc Rene avait fete haut la main. Et il etait particulierement comique.
Et voila que, bonne humeur et nez rouge aidant, il se penche vers mes treize ans, pour me dire bien fort:
"Toe, la... T'as vraiment les genes de ta mere!"
Et c'est le moment de ma vie ou j'ai pleinement senti, en toute simplicite, ou etaient mes racines.
Par racines j'entends la ou on commence a pousser. Le point d'ancrage, qui ne determine pas necessairement ce que l'on devient, une plante, une fleur, un arbre, une mauvaise herbe ou une carrotte. Simplement le sol qui recoit la graine. Un point de depart.
Voici un update, un peu vague peut-etre, sur ce qui se passe avec mes racines, ici. Oh boy.

***

Commencons par un episode anodin. Il y a un tcheque roux, avec des cils roux donc ca lui fait des yeux globuleux, et un tout petit nez et un sourire gene, qui occupe la chambre en face de la mienne.
Il a decide de se consacrer aux tablas genre 12 heures par jour, il ne prend des pauses que pour aller manger sur le toit de temps en temps.
Le lecteur doit se dire: ah tiens. De quoi developper une belle complicite. Une histoire d'amour, peut-etre. Que de belles rencontres en voyage.
Non que je veuille induire le lecteur dans l'erreur:
1. J'aime pas particulierement les roux.
2. J'aimais bien les tcheques a l'age de 15 ans parce qu'ils etaient grands et blonds. Celui-la ne compte pas parce qu'il est roux. Et en plus, les tcheques sont bizarres, ils parlent jamais, et quand ils parlent on se sent toujours inconfortables.
3. IL M'ENARVE.

Je l'entends pratiquer. A journee longue. Et j'entre dans un stupide climat competitif qui me gobe ma passion. Je commencais justement a en avoir marre de passer mes journees dans cette chambre glauque de cette ville glauque pour pratiquer mes tap-tap sur la peau de chevre. Et voila que je me fais enterrer par ses tap-taps a lui, tout content d'etre meilleur que moi.

Je decide de faire preuve de bonne volonte et de le complimenter sur ses performances, quand je le croise a l'etage. Tse, se montrer interesse quand on est jaloux. C'est un pas dans la bonne direction.
" Merci, qu'il repond. Mon prof aussi t'a entendue jouer. Il dit que tu joues trop doucement, que tu n'as pas beaucoup de force."
!!!
Dude, tu viens de me tuer.

1. J'AIME PAS LES TCHEQUES. Ils sont pas normaux. Ils ne savent pas communiquer.
2. J'AIME PAS LES ROUX.
3. J'aime pus les tablas.

Eh oui. Je suis dans un pays d'exces. Je vais m'exprimer de maniere excessive.

***

Tous les apres-midis, quand je vais lire mes courriels, il y a au moins 5 personnes qui m'arretent dans les petites ruelles pour me demander: "Madam, where going? Where going Madam". Moi toute timide qui regarde le plancher, ben plancher est une hyperbole disons plutot garnotte, dechets et marde de vache, je dis: "Euhm... Going not very very far, pas besoin d'aide c'est bien gentil." Par un mecanisme bien malsain je commence a en avoir marre de me faire demander where going madam a tous les deux metres. J'envisage de me promener avec une pancarte dans le cou: Madam going not far, tank you. No help needed.

Sinon, quand je sors des ruelles pour marcher sur le bord des ghats, c'est une toute autre histoire. La, on prend son temps pour vous aborder. On s'avere generalement un jeune homme au grand sourire qui s'approche, bien gentiment, et tient a peu pres ces propos, avec une progression quasi-exacte:
" Hey, Madam! Which country? (On oublie les phrases completes, dois-je preciser, pour qui n'aurait pas remarque).
- Canada.
- Vancouver, Toronto, Montreal? (precisement dans cet ordre).
- Montreal.
- "Bonnejouw comma sava?" See, I speak french.
- Fluently, a part de t'ca.
- It's because I have some friends in Montreal.
- Le monde est petit! As-tu parle l'autre gars dix metres en arriere de nous, celui qui jase avec une grande blonde? Lui aussi il vient de me dire, v'la cinq menutes, qu'il a des amis a Montreal. C'est peut-etre les memes.
- First time in Varanasi?
- Yes.
- For how long?
- One more week (une semaine de plus ici... ca va etre loooooong).
- Madam married?
- Non, madam pas married."
No explanation needed. Je veux pas etre pognee pour expliquer que les gens de ma generation font des bebes qui naissent pas avec la benediction de la commission scolaire et pour eux, mariage est un mot appris dans des films de Walt Disney. Mais je suis pas capable de mentir.
Comble: pour repousser les intrus, j'ai meme pas pris l'initiative de m'acheter un faux jonc et faire semblant d'etre trainee dans ce pays bordelique par mon pauvre mari en voyage d'affaire. Mari qui pese 200 livres de muscles et qui aime pas trop qu'on me suive dans la rue, cela va sans dire. Non. Meme pas fait l'effort de m'inventer un male pour la cause.

Maintenant qu'on a fait le tour de la question, mon origine, mon statut, ma langue maternelle, Monsieur-je-viens-te-deranger-dans-les-rues-de-Varanasi-pour-devenir-ton-ami se lance:
"Veux-tu voir mon magasin de soie?"
Aaaaaah comme j'aime ce moment delicieux de la conversation ou il en vient au gros jus du propos. L'instant tant attendu ou je peux dire: NOOOOOOON je veux rieeeeeeen j'aime pas magasiner, j'ai besoin de rien, de rien, de l'eau, du pain et de l'AMOUR!
C'est plus facile de leur dire non quand ils disent directement ce qu'ils veulent.

... sauf quand ils ont 8 ans et qu'ils vendent des bougies ou des cartes postales.

Ils sont des centaines dans cette situation - et ils sont tous beaux. C'est epouvantable devoir travailler a cet age-la, ca vient secouer l'idee qu'on peut se faire de la justice, visceralement. C'est difficile de dire non. Mais on peut pas dire oui tout le temps. Et on se demande si on aide vraiment en achetant. On veut boycotter. On veut aider. On veut s'assurer que l'argent se retrouve dans ses poches. La situation nous depasse. Fuck, il a huit ans.

Un soir je marche sur les ghats pour me rendre a l'hotel. Un petit garcon particulierement mignon me suit avec son panier de chandelles et engage la conversation. Je n'ai pas de change, alors je lui promets que si je le recroise dans les jours a venir, je vais lui acheter une, une petite chandelle.

Le lendemain, comme de fait, Maryse et moi nous levons a 5 heures pour aller voir le soleil se lever sur le Gange, lors d'une promenade en bateau. En montant dans la barque, qui je vois pas.
" Je le reconnais, lui! Que je dis a Maryse. Je lui avais promis que je lui acheterais une chandelle."
Je lui fais signe de monter a bord, que je puisse respecter ma promesse.
" Ils font ben pitie, mais c'est toutes des p'tits crisses, me dit Maryse.
- Non, lui il est gentil. "
Je sors un billet de 10 roupies, sachant que sa marchandise en vaut 5.
Le gamin me regarde avec dedain et se met a m'engueuler:
" Seulement dix roupies? Tu es riche, tu peux payer plus que ca. Combien tu mets? "
Je n'ai eu besoin que d'ouvrir grands les yeux pour qu'il prenne les dix roupies en vitesse et regagne la rive par une autre embarquation.

" ...P'tit crisse.
- Je te l'avais dit."
- Je sais pas quoi penser, Maryse. Je suis biaisee. Je comprends pas ce pays.
- C'est quoi ca?
- Quoi?
- Ca?" dit-elle en me pointant la rive.
Merde.
Merde.
Merde.
" C'est un cadavre de femme.
- Et ce qui se fait manger par un corbeau, c'est...
- C'est son entre-jambes. "
Oui.
A cote, comme sur une carte postale, c'est l'offrande au fleuve, les femmes y prennent leur bain en sari sous la douce lumiere d'un soleil oranger. Personne ne semble remarquer quoique ce soit. Ca fait partie du paysage.
Le batelier rigole, se fout un peu de notre gueule et explique le principe du ghat de cremation, ou ils font bruler les defunts 24 heures sur 24 apres les avoir enveloppes dans de magnifiques linges blancs, pour ensuite jeter leurs cendres dans le Gange et liberer leurs ames. "On ne brule pas tous les corps. Les animaux, les enfants, les saddhus, les lepreux et les femmes enceintes sont directement jetes a l'eau , apres avoir ete attaches a une grosse roche."
Tiens tiens. Ca fait partie de la culture... comme la mort fait partie de la vie, faut croire.

***

J'ai mon cours de tabla. Le dernier, je l'espere, il faudra en convaincre Guru-jee (!!!).
Je suis aussi saturee de cet instrument que de cette ville. Noter que j'ai passe deux jours au lit a manger des advils comme des Ringolos. A essayer de dormir. Malgre les percussions de mon charmant voisin.
Mon professeur vient d'entrer, je mets mon echarpe jaune a l'effigie de Shiva sur mes genoux pour lui faire plaisir, je m'echauffe un peu sur le tambour.
Il n'en faut pas plus pour que L'AUTRE d'a cote se decide a m'enterrer.
Toum toum Ta Ta Toum Toum-ecoute-comment-chuis-bon Ta-Ta-toi-tu-joues comme-une-moumoune. LA PAIIIIIX!

Je glisse un mot a mon professeur.
" Puisque je quitte bientot Varanasi pour Mumbay, je pense que je ce cours sera mon dernier.
- Pourquoi? (TOUJOURS expliquer).
- Parce que... j'ai des commissions a faire.
- Je peux venir a cinq heures.
- Tu viens TOUJOURS a cinq heures. Et a tous les jours je ne fous rien a part aller sur Internet parce que mon cours est a cinq heures. Tous les jours je me dis que je vais avoir le temps de faire autre chose, mais c'est jamais vrai.
- No problem. Je vais venir a cinq heures, alors.
- Non tu comprends pas. Je veux PAS avoir de cours demain (gosh, c'est dont bien difficile).
- Pourquoi?
- Je commence a manquer de concentration. "
Toum toum Ta Ta Toum Toum-ecoute-comment-chuis-bon Ta-Ta-toi-tu-joues comme-une-moumoune, toujours en background.
" D'accord, je comprends. "
Comme ce fut evident.
Tout est evident ici.
" Ton echarpe, mets-la sur tes epaules, me dit Guru-jee.
- Pardon?
- Ne mets pas l'echarpe sur tes jambes. Shiva regarde du haut de l'Himalaya et il n'aime pas ca, c'est vulgaire. Mets-la sur tes epaules."
TU ME NIAISES.

Soudainement, c'est physique.
J'ai une montee de trop-plein.

J'ai envie, TELLEMENT envie de lui dire ceci:

Il y a centaines de milliards d'etoiles dans cette galaxie, et des milliards de galaxies dans l'univers. Peux-tu m'expliquer comment un Dieu assez grand pour creer tout ca peut faire tenir ses fesses sur un sommet de l'Himalaya? Et par le fait-meme, un Dieu qui a choisi de n'informer que l'Inde de sa domination sur le MONDE ENTIER pourrait-il vraiment etre fru contre une Quebecoise, qu'il a tenue dans l'ignorance presque toute sa vie, parce qu'elle met une FOUTUE ECHARPE SUR SES GENOUX?

Mes racines sont ebranlees. En faite, c'est l'idee que je puisse me faire des racines du monde qui sont completement ebranlees. Les reponses ne sont ecrites nulle part.
Et l'Inde me le rappelle a chaque minute.

Mais croire, c'est croire. Et la croyance fait partie des racines de l'homme.
Je regarde les grands yeux lumineux mon professeur, plein de bonne volonte. Je me contente de dire en riant:
" Il fait 30 degres, c'est un peu chaud pour l'echarpe.
- On peut partir la fanne! "
Ben oui. C'est LOGIQUE.

Je pars la fanne, je mets l'echarpe sur mes epaules.


Le respect. Ca aussi, et surtout, ca fait partie de mes racines.

lundi 10 mars 2008

40 raisons de s'ennuyer quand meme du Quebec

Un jour avant que je parte, sur le toit d'un restaurant de Rishikesh autour d'une heure ou deux du matin, Raj (Indien de Mumbay etabli en Grece, dois-je le rappeler) s'engage dans des discussions avec le sang qui bouille. Et il m'engueule. Il m'engueule parce que, supposement, je ne montrerais pas un regard bien objectif sur l'Inde, je serais trop optimiste, trop gentille, trop inconditionnelle et ca l'emmerde. "Apprend a chialer, Kshatrya."

!!! Quelle surprise.

Je suis polie et respectueuse de l'Inde.

Je ne veux emmerder ni Indiens ni Quebecois en blamant les moins bons cotes de ce pays qu'il me prendrait plus d'une vie pour comprendre bien en profondeur. Chialer est mauvais pour la sante.

Mais ici, pour mettre les choses bien claires, avec tout mon amour pour l'Inde, je vais me lacher lousse.

20 RAISONS DE NE PAS AIMER L'INDE

1. Il y a toujours au moins 8 fautes dans un menu.

2. L'electricite choisit un moment de la journee pour planter. Si vous avez besoin de prendre une douche, too bad. Si vous utilisez Internet, too bad.

3. Dans toutes les salles de bain propres, il y a des boules a mites.

4. Impossible de trouver une secheuse. Laveuse est deja ici le summum de la modernite.

5. Meme quand ca fait longtemps que t'es la, pour celui qui veut te vendre quelque chose, tu viens toujours d'arriver. C'est incomprehensible pour un vendeur de cartes postables qu'une chataine a la peau blanche qui porte des jeans n'en ait pas besoin.

6. Tu te reveilles avec des piqures louches a des endroits louches.

7. Les indiens pensent que la patate est un legume sante. Ils ignorent ce que feculent signifie, alors ils te servent du curry de pommes de terre avec du riz et du pain. Non, l'Inde ne respecte pas le guide alimentaire canadien.

8. D'ailleurs, pour les occidentaux, la tomate est generalement un legume rouge et juteux avec un gout sucre et acide. On la retrouve dans la section legumes du supermarche ou en boite, pour en faire des sauces. Ici, "tomate" et "ketchup" sont souvent employes comme des synonymes. Attention si vous commandez des "pates aux tomates" en Inde.

9. Dans la rue, marcher implique un stress constant. Surveillez toujours ce sur quoi vous pouvez mettre le pied (comprendre: BOUSE de vache), ce qui peut vous tomber dessus (comprendre: CRACHAT du gars sur son toit), ce qui peut vous foncer dedans (comprendre: un eventail larges de corps en mouvements allant de la vache a la brouettes pleine de ciment et au becyk a gaz).

10. Oui. ENCORE la diarrhee.

11. On te regarde en riant, et tu n'as aucune idee pourquoi.

12. Tu peux jamais te brosser les dents avec l'eau du robinet.

13. Tu peux pas sortir en boxers sur ton balcon.

14. Tu bronzes juste des bras.

15. Ce que tu as VRAIMENT envie de manger, soit c'est introuvable, ou soit ton medecin te l'a defendu. Genre: sushis, on oublie ca.

16. Tu sais que tu pues.

17. La seule facon d'avoir l'air propre, c'est de porter du brun.

18. Des corps etrangers font partie de la nourriture. Des poils, par exemple.

19. Peu importe ce que tu demandes, les chances sont fortes que tu devras le repeter. Plusieurs fois.

20. Quand tu vas voir un film de Bollywood, tu vas attendre que les deux protagonistes s'embrassent. BEN Y S'EMBRASSERONT PAS. Leur cinema, c'est juste du gros teasing.

***

Je vais meme rajouter une couche pour mettres les choses ENCORE PLUS CLAIRES.

20 RAISONS DE S'ENNUYER DU QUEBEC

1. Le pain de St-Fulgence. Quelques lecteurs seulement comprendront la reference.

2. Quand on va au cinema, les toilettes sont super classe. Partout.

3. Parce que je peux jouer aux des (des avec accent aigu) avec ma grand-maman Rose meme si elle gagne tout le temps.

4. Parce que je peux me promener en auto avec ma mere et avoir le controle du systeme de son.

5. Parce que je peux aller dejeuner sur la rue Laurier ou St-Denis.

6. Parce que je peux aller souper chez mon papa et Isabelle, avoir des discussions animees en buvant du bon vin.

7. Parce que je peux m'endormir sur mon sofa au lever du soleil.

8. Parce que je peux attrapper le journal Voir au Provigo du coin et le lire devant un VRAI cafe de CAFETIERE et non sa copie en poudre.

9. Parce que j'ouvre grandes les fenetres de l'appart quand il pleut.

10. A cause du Festival de jazz, ou je peux me tremper les pieds dans la fontaine de la place des arts.

11. Parce que je peux laver MES planchers, MES draps, MA vaisselle. Laver sur de la musique des annees 80, cuisiner sur du jazz.

12. Parce que Aude sait toujours illuminer mes journees par un commentaire reflechi du genre: "avais-tu deja remarque que le poulet-mascotte de chez St-Hubert, la... Il etait CANNIBALE?"

13. A cause du Passeport, ferme maintenant malheureusement, mais le monde, le staff en particulier, la poutine aux pois verts et au bacon a cinq heures du mat, les pauses cigarettes, les potins, et meme la musique de mini-putt que Mathieu fait jouer avant l'ouverture.

14. Mes cours de son avec Guy, qui se transforment immanquablement en soupers aux paninis avec vin blanc et discussion sur les predictions apocalyptiques des Mayas.

15. Partager un pichet de Sangria sur une terrasse a cinq heures, en plein ete.

(Non. Je ne m'ennuie pas de l'hiver. J'ai vu les photos. Je suis pas jalouse de votre neige, ca, je l'admets).

16. Les pitounes du village (Julie, Chloe, Maite, Denise), et vos partys hawaiens. Je veux macarena dans le tapis a mon retour.

17. Mon cousin anonyme qui m'appelle tout content parce qu'il vient de se faire une nouvelle blonde, mais que celle-la elle a pas les cheveux blonds par exemple, contrairement a toutes les autres. Je te niaise Thierry.

18. Francois Perusse. RBO. Notre humour completement absurde et auto-derisoire. Ca manque.

19. De la tarte aux bleuets.

20. MES LECTEURS! :) Bonne fete Isabelle et bonne fete Mado, oui, c'est aujourd'hui.

***

Aucun doute, l'Inde me manquera egalement. Une simple petite pensee pour dire que malgre un etrange sentiment d'appartenance pour ce pays, je sais ou sont mes racines. Et c'est important. J'y reviendrai.

vendredi 7 mars 2008

Jus de main

Nous nous installons a sept sur le lit double d'une chambre libre au rez-de-chaussee: deux hommes, deux jeunes femmes, une sitar et deux tablas.

Maryse a craque pour les cordes; j'ai suis davantage attiree par les percussions. C'est a l'improviste que nous avons decide de suivre des lecons de musique a meme le guesthouse sous les conseils de son proprietaire (qui, d'ailleurs, s'averait jadis a posseder son propre magasin d'instruments, d'ou ses nombreux contacts).

Sitar et tablas sont un couple indien aussi celebre que Rama et Sita, d'ou l'interet de partager la cacophonie du premier cours.

Le professeur de Maryse est chetif et porte de petites lunettes qui donnent l'air intelligent; il la force a s'asseoir dans une position manifestement insupportable afin de mieux pincer les cordes. Mon professeur a moi est un petit homme souriant et chaleureux, avec de grands yeux noirs et une epaisse chevelure.

Il m'attrappe la main droite et la pognasse genereusement.

"Dieu t'as donne de bonnes mains, qu'il dit. C'est bon, t'as beaucoup de peau, belle synergie avec celle de la chevre. Good karma."

C'est surprenant qu'il me dise ca parce que ma professeur de cuisine m'avait deja beaucoup parle des mains. "La bouffe indienne n'est bonne seulement parce qu'on mange avec les mains, qu'elle dit, mais parce qu'on cuisine avec les mains. Ca prend du JUS de main."

Avec tous les dhals et les curry, une palette impressionnante de pains (Naan, chapati, parantha, dosa, etc.) servent effectivement d'ustenciles. Leur delicate confection faisait partie integrale de mes lecons, par consequent j'ai passe un temps impressionnant a jouer dans la pate. Peu importe ce que vous pouvez imaginer, ce n'est JAMAIS assez mou; il faut malaxer comme un homme, avec le poing, la paume, les jointures. Au bout d'un moment la pate prend la temperature du corps, et on lui donne un peu une ame de mammifaire a sang chaud, elle finit par ne faire qu'un avec le mou de main.
Mou de main aidant, je cogne sur les tablas et pas un son.
"Pense a Shiva, il aime bien danser. Si tu joues pour lui, il va t'apporter son aide."
Le type est serieux.
Je me concentre sur le regard bienveillant de Shiva, imposant sur une affiche geante a cote de la penderie.
Quelque chose me dit soudainement de recommencer le lendemain.

...Et depuis une semaine, j'en fais trois heures par jour.

***

Le principe du guru (ou professeur, en hindi): l'obeissance absolue de ses eleves. Guru-jee dit: coupe-toi l'annulaire et deguise-le en giraffe, on niaise pas, il s'attend vraiment a ce que tu le fasses.

C'est ce qui m'est arrive.
...
Non. C'est une blague.

J'ai pourtant decide d'adopter la philosophie indienne et, contrairement a tous les profs de piano, de chant ou de guitare que j'ai eus dans ma vie, j'ai decide de faire exactement ce guru-jee me demanderait.

Il faut dire que Andu Guru-jee n'est pas du genre a peter de la broue. Peu importe ce que je fais, il sourit en disant: "Good hands."

Tous les jours, j'ouvre grandes les fenetres de ma chambre et la porte du hall, et je s'accueille mon professeur en joignant les deux mains : "Namaste guru-jee", ce a quoi il repond avec le meme geste: "Namaste Genevieve-jee". Quand on appelle son interlocuteur jee, c'est un grand signe de respect, generalement adresse aux aines. Mon professeur me dit jee, parce qu'il aime bien mon karma.
Un jour d'ailleurs il m'appelle: "Rajkumari-jee" (princesse-jee), parce qu'il sait que ca me fait sourire et il dit que c'est bien mieux de sourire quand on joue des tablas.

Et nous mettons les bouchees doubles pour deux bonnes heures a se matraquer les jointures sur le cuir. Quand j'ai trop mal quelque part (et les zones sont nombreuses, etonnamment, car jouer du tabla implique tout le corps), je commande du chai brulant et l'ecoute jouer pour quelques minutes. Ses doigts deviennent litteralement des papillons sur l'instrument et il emplit la piece d'une grande joie de vivre.

Parce que vraiment, je suis surprise de constater a quel point les tablas rendent heureux.

***

De retour sur le toit avec Maryse, un groupe de jeunes voyageurs aux origines heterogenes accaparent la television pour se tapper la trilogie du Seigneur des anneaux. Maryse est enthousiaste et s'arme de patience pour m'en faire le recit - entrecoupe, biensur, de premieres conversations avec les autres backpackers.

Avant la fin du deuxieme tome, nous nous retrouvons entasses a huit dans une de nos modestes chambres pour un grand jam sitar-tablas-guitare-flute. Ma performance a une odeur bizarre, mais tout de meme. Je pense a Shiva.

***

Deuxieme nuit de la Shivratri, nous sortons en gros groupe dans les rues animees pour aller voir un concert gratuit. Ce que j'ignore encore quand nous quittons le guesthouse avec une gourde de benglassi (cadeau du staff de l'hotel), c'est que je m'apprete a voir a l'oeuvre une veritable legende du tabla.

Apres avoir marche pendant pres d'une demie-heure, nous aboutissons pres du temple de Durga, ou une grande salle en plein air accueille plusieurs centaines de gens. Nous prenons place sur l'immense drap blanc pose au sol, assez loin pour ne rien voir, mais apprecions tout de meme un long interlude du trio sitar-tablas-danse. Evidemment, moi je pense qu'on est deja dans le jus du spectacle et j'aime bien, je crois que c'est le grand maitre que je vois a l'oeuvre.
Non.
Le grand maitre, Zakir Hussein, apparait beaucoup plus tard, apres un tres long discours ou les benglasseux en extase se tappent la poitrine comme Celine Dion, nous on applaudit quand tout le monde le fait.
Le maitre s'echauffe les doigts pendant longtemps. Je me pogne le beigne, moi qui pensais que le spectacle allait finir une heure plus tot. En plus, vois rien.
Mais quand il commence a jouer POUR VRAI, je me rends rapidement compte que je n'ai pas besoin d'etre bien placee: au bout d'un moment, c'est immanquable, je ferme les yeux. Les sons percutent bien au-dela des tympans, ils se transforment plutot en courant electrique qui me parcourent l'echine pendant plus d'une heure. C'est de la magie par intraveineuse, c'est de l'acuponcture auditive. Incroyable, tout simplement, ce que des mains humaines peuvent arriver a faire.

Quand je me remets debout, je n'ai qu'une idee en tete: je veux mes tablas.
C'en est obsedant.


MES PRECIEUX.

lundi 3 mars 2008

Benglassi

Je viens de quitter la paisible Rishikesh pour l'intense Varanasi, avec le moton comme on dit, un ballon de foot dans la gorge. Les nombreux aurevoirs n'ont pas ete faciles, meme si je repasse par cette ville au mois d'avril, ou la chaleur y sera bien plus supportable qu'ailleurs au pays. C'etait le temps de faire un boutte.

D'abord, le train, a 23 heures, pour un bon 20 heures de route. Les distances sont tout de meme impressionnantes, c'est pas Montreal-Quebec. Au moins on a une couchette bleu hopital presque confortable, meme une couverture et un oreiller. Vive la 2e classe. On mange tres tiede (bouffe d'hopital version curry), on se fait harceler par les vendeurs de chai et on evacue dans des toilettes qui deversent a meme les railles (oui oui: le trou des toilettes est a sol ouvert - l'une d'entre elles est occidentale, au moins). Dans l'ensemble c'est tres supportable. A condition de trouver les coquerelles sympatiques. C'est une experience, comme on dit.

LA GARE.

On m'avait dit que la gare de Varanasi etait quelque chose. Je confirme: La gare de Varanasi, c'est quelque chose. Quelque chose qui rappelle le milliard de personnes. Une fourmilliere humaine sous un trente degres celcius, un dortoir a ciel ouvert, ou nos peaux blanches sont des aimants pour les rabatteurs des hotels et les chauffeurs de rickshaws. On s'en tire avec une touche d'humour en attendant notre lift. A la recherche de l'office touristique, lieu de rendez-vous, on repere les yeux brides. Parenthaise: les Japonais savent toujours ou il y a de l'air climatise et ou on peut manger des legumes crus. Ils detectent les microbes et la salete. S'il y a des japonais dans un restaurant, tu peux manger en paix. Fin de la parenthaise.

Il se trouve que le fils de ma prof de hindi et de cuisine est proprietaire d'un charmant guesthouse sur le bord du Gange ou les chambres, grandes et propres, coutent 150 roupies la nuit (moins de quatre dollars). Mameejee a tout mis en ordre depuis Rishikesh pour s'assurer qu'on vienne nous chercher, Maryse et moi, une fois arrivees dans la grande ville - la plus peuplee qu'il m'ait ete donne de voir de ma vie. Encore plus que Delhi, il m'a semble.

La route jusqu'au Guesthouse est un party des sens, litteralement; niche quelque part dans des ruelles delabrees et etroites, les guesthouse est neanmoins charmant. A l'etage, un restaurant au plafond en bambou est le meilleur spot pour faire la farniente, bien evache sur les coussins au sol. Evache, c'est assez indien d'ailleurs comme terme, je trouve. Ca refere a la vache sacree. C'est ce que nous avons fait toute la soiree, devant une bonne biere. Meuuuuuuuuuh.

***
Hier soir, c'etait Shivaraatri, ou Nuit de Shiva.

Petite histoire.

En tres tres resume, Shiva est la divinite associee a la destruction et la reproduction. Il est le plus prise a Rishikesh comme a Varanasi.

Au debut des temps, lorsque les mers furent secouees par une montagne portee sur le dos de Vishnu incarne en tortue geante (l'histoire est tres longue, je vais en sauter de longs extraits), une fiole de poison atroce emergea des fonds marins. Pour proteger les hommes de ses facultes destructrices, Shiva se sacrifia pour absorber le liquide; son effet fut si puissant qu'elle rendit sa peau bleue. Pour supporter la douleur, meme encore aujourd'hui (aux dires des hindoux), Shiva porte des serpents dans le cou, medite, danse longuement au son des tablas et surtout... fume des GROOOOOOOS BATTES.

En son honneur, la nuit du 5 au 6 mars, les hommes Indiens s'engagent a marcher pas moins de cent kilometres, debutant sur le bord des ghats (les ghats sont de longs escalliers qui descendent a meme le Gange, fleuve sacre; a leurs sommets se trouvent souvent des temples). Au lieu de prendre du Red Bull comme boisson energisante, ils preparent une mixture a base de yogourt liquide, qu'on nomme lassi, a laquelle ils ajoutent du jus de hash ou des feuilles de marijuana broyees afin d'en faire du BANG-lassi (benglassi). Encore plus drole: cette mixture est apparemment LEGALE et on peut se la procurer dans un nombre impressionnant de restaurants.

Avec d'autres touristes, Maryse et moi avons quitte l'hotel autour de minuit, marche dans les ruelles moyennageuses et labyrinthiques pour aboutir au sommet d'un ghat, d'ou nous pouvions observer des centaines d'hommes courir, geles comme des balles, qui criaient: BHOLE! BHOLE! (mot qui signifie a la fois "Shiva" et "Hashish"). Autour de nous, des chiens errants qui se mangaient les puces, du caca de vache, les lumieres de la ville qui se refletaient sur le Gange. En toute honnetete, le portrait n'etait pas particulierement rassurant. Mais le coup d'oeil valait tout de meme la peine.

Pas reposant, cette ville. Mais loin, loin, loin d'etre plate.

mardi 19 février 2008

Party indien

Ci-bas: photos prises lors du trekking a Okhimath, dans l Himalaya.



***

Important: mes chers lecteurs constateront que le prochain billet, tres sournoisement, contiendra progressivement sa petite part de niaiseries. Certains details paraitront a mes chers lecteurs un tantinet impoliticly correct, il est a noter que je me suis bidonnee a ecrire ce qui suit car je garde dans mon jardin secret la recette equilibree entre le reel et la caricature. Il faut s'amuser en lisant sinon... Ben ca vaut pas la peine, allez lire les nouvelles sur cyberpresse. :P

***

C est le premier anniveraire Shanti. Papa Hari est tres fier et decide de faire une grosse fete. Ben la, lui demande Valerie, tu veux une fete pour la petite ou une fete pour les grands? Papa repond: les deux. Pas besoin d en dire plus pour allarmer toute la famille et les amis, qui habitent d ailleurs pratiquement tous dans la meme batisse: les parents, les grands-parents, les freres, les soeurs, les neveux, les cousins rapproches et les neveux eloignes, parfois meme ceux qui sont un melange des deux (!).
Fideles a notre habitude, Maryse et moi arrivons ridiculement en retard pour la fete (avant souper, tout de meme) et sommes malgre tout les premieres arrivees. Hari nous amene chez le tailleur nous approprier nos kurta pajama (complets indiens) que nous avions fait faire specialement pour l occasion, deux jours auparavant.

Ce samedi apres-midi ensoleille-la, au magasin de tissus, c etait la folie furieuse. Des familles entieres s entassaient dans un miniscule commerce ou les marchands empilaient sur le sol des palettes impressionnantes de tissus colores. Meme si je n avais pas l intention au depart d acheter quoique ce soit, j ai ete rapidement seduite par une tunique d un gris argente brodee de noir et d or, accompagnee d un pantalon noir ajuste (le genre qui fait beaucoup de jolis plis sur la cheville). Maryse et Valerie se sont mises a critiquer ouvertement le gris, elles voulaient du rooooose et du bleeeeu et les tissus rooooose et les tissus bleeeeeus s accumulaient devant leurs regards perplexes et c est tout juste si des troupeaux d elephants ne pilaient pas dessus, bref, ca n en finissait plus de finir. Seul Hari approuvait mon gris argente et son etonnante simplicite (peut-etre supportait-il simplement l idee geniale de choisir au plus sacrant).
Maryse a finalement arrete son choix sur une tunique en coton bleu ciel avec des broderies roses et blanches, ainsi que d un pantalon ample de couleur sable - chaque complet est d ailleurs toujours accompagne d un voile agence. Les tissus dans les mains, nous sommes passees chez le vieux tailleur, le genre a qui vous parlez et qui prend des notes, et sur ces notes vous jettez un coup d oeil, et ce coup d oeil fait emerger chez vous un doute, un tres leger doute legerement inconfortable qui vous pousse a vous repeter, et repeter encore, et repeter encore pour etre sur, pour finalement quitter avec la tres legere impression de ne pas vous etre fait tout-a-fait comprendre malgre tout. Vous savez, ce genre de tailleur-la.
Evidemment, deux jours plus tard (soit: le jour J), les tuniques sont trop grandes, les pantalons trop justes et les designs d encolure ont ete interchanges d un complet a l autre - mais tout de meme, rien d irreparable, de quoi sentir qu on fait partie de la fete.

Apres avoir enfile nos costumes, nous attendons que le monde arrive, aupres de Valerie qui nourrit la petite - petite qui sera couchee, biensur, avant que les premieres notes de musique de Bollywood ne se fassent entendre. Les cousines, magnifiques avec leurs habits colores (le roooose et le bleeeeu sont a l honneur, evidemment), leurs longues nattes noires et leur anneau d or dans le nez, arrivent les premieres en laissant croire qu elles y etaient avant tout le monde. Les freres et les soeurs suivent de pres, avec les tits-neeeeuveux; les cousins cutes (TRES cutes) ne se font pas trop attendre; finalement se joignent a nous le rhum and coke et la biere. La musique commence a se faire discrete sur la terrasse apres le crepuscule, simplement pour commencer a eveiller chez tout ce beau monde une envie de danser qui deviendra insoutenable au bout d une heure (mais pas tout de suite, parce qu on est de ce genre d invites qui se font attendre, qui ne dansent jamais les premiers et qui ne trempent le gros orteil sur la piste de danse que lorsqu on l a deja bien echauffee). Un nombre incalculable d amis et de mononcs s entassent dans la cuisine, au salon, sur le balcon. Pas de cadeaux, s il vous plait, avait precise Valerie. Il ne fallut que d une requete aussi simpliste pour que tout le monde arrive les mains pleines. Le sol est recouvert de toutous. Papa n arrete plus de jouer, surtout avec le petit chien mecanique qui spinne sur ses deux pattes arrieres, celui qui fait brailler la petite.
Un immense buffet est installe sur la terrasse et tout le monde se serre allegrement du riz basmati au beurre, du channa masala (delicieux curry epice a base de pois chiches), des legumes aromatises au cumin et au tulmerik ainsi que des papadams pas-trop-epices-pour-une-fois-comme-dirait-Maryse.

La soiree commence sur une note ESSENTIELLE a tout bon party, celle qui en fait necessairement une soiree inoubliable et qui redonne l impression d avoir cinq ans a Noel. C est a dire: quelqu un doit necessairement se rendre ridicule et faire une gaffe. L alcool aidant, ce soir-la, ce fut EVIDEMMENT moi, il faut croire que ma chance a fait une boucle.
Ah, comme c est genant, est-ce que je devrais raconter.
...Je devrais, sinon mes lecteurs vont s imaginer bieeeeeen pire.

Je vais ici remedier a un flashback pour bien mettre en situation.
Dans un pas-lointain-du-tout billet de ce meme blogue, peut-etre n est-ce pas si vague pour mes chers lecteurs, je referais a une promenade a moto dans les montagnes sur la monture de deux tres, tres cutes cousins de Hari.
Erratum no 1; mon biker a moi etait non bien un cousin mais un neveu de Hari, que nous allons appeler anonymement Neveu 1 a partir de maintenant. A 18 ans, Neveu 1 va etre le petard du siecle dans a peu pres cinq ans.
J ai egalement induit mes chers lecteurs dans l erreur pour un autre detail: non que je veuille insinuer une quelconque consanguinite dans la famille, mais il se trouve que pour une raison obscure, la monture de Maryse (ou plutot le CAVALIER qui DIRIGEAIT la monture de Maryse, pour etre plus juste) s avererait etre A LA FOIS un cousin et un neveu a Hari. Appelons-le Couveu 2, et c est particulierement en son intention que je recherche l anonymat. Lui et son sourire Colgate fluo dans le teint basane. Est-ce que je viens d ecrire ca? Faut croire. N ayez crainte, c est tres chaste.
Couveu 2 est un tout petit peu plus vieux que Neveu 2, celui qui n a pas un seul bouton, pas un seul grain de beaute, pas un seul poil de sourcis marginal, et qui gagne partout tous les concours de danse. J en parlerai plus tard, de celui-la. En ce moment, je ne fais qu acumuler les lettres et les chiffres pour donner un peu de defi a mes chers lecteurs, qu ils se rappellent un peu de tout le monde. Ils sont egalement invites a faire reference aux precedents passages pour mieux se faire une idee de la fete, s y sentir invite. Mais pour le moment, revenons-en a ce parent abstrait de Hari, Couveucolgateinthedark number two, parce qu il se trouve que ce soir est un soir tres special pour lui aussi: c est egalement son anniversaire, sans que personne ne le sache. Personne, sauf evidemment Hari, Valerie, Maryse et moi.

Oui, c est CE genre de gaffes que j ai fait. Une petite happy-birthday-gaffe. Gaffe verbale, tout de meme. Ce genre de gaffes qui survient quand on a bu un peu de biere et qu on regarde une paire de grands yeux bruns d anniversaire en forme d amandes, du coup on perd un peu son anglais et certains mots ressemblent a d autres. Pour donner un exemple tout a fait quelconque, dans une phrase qui ressemble a: T es pas jaloux que tout le monde amene des cadeaux pour Shanti mais que personne ne t en amene a toi, des mots comme "gift" et "kiss" puissent etre interchanges. C est tout a fait anodin bien sur, et c est tres facile a manier par la suite. Surtout quand Maryse est pas en train de se peter la face sur le plancher a rire comme une attardee, pour me rappeler le cocasse de ce que je viens de dire.
Voici comment on s en sort: On regarde la biere d'un regard se voulant plein d'assurance et on lui dit: qu'est-ce que tu me fais dire, toi. La grande classe, avec eclats de rires quebecois en background.

..Oui, c est juste ca. Je sais, c est rien pantoute.
Mais ca me cause une mignonne dose de paranoia pour la soiree. Voici pourquoi: J ai l impression terrifiante que mon subconscient s echappe par voie orale, qu il y a maintenant une fusion involotaire entre le je-dis et le je-pense-a-quelque-part-loin-loin-dans-mon-esprit, que c est irrevocable a jamais avec pleonasme.
Ok, non, mieux: j ai juste eu l air un peu twit, ca faisait longtemps que ca m etait pas arrive, et j ai du assimiler une periode de readaptation face au ridicule.
Voila. J ai l impression d etre en sixieme annee, lors d une danse du club disons-non-a-la-drogue. La fois, genre, ou je suis allee vomir dans les toilettes apres avoir gagne le concours de rap.

Comme dirait si bien Jean Leloup: J ai ici de grands moments de lucididididididididite.

A noter par contre: en clavier etranger, j'ai soudainement-maintenant-tout-de-suite recouvert l'usage de la virgule.

Je tiens a preciser une difference assez immense entre les cultures, un contexte qui influence mon paranoia. Cette difference, au-dela d'un conservatisme bien preserve (j'ai deja parle de mariages arranges par ailleurs), est marque par une proximite incroyable entre les membres de la famille, par lequel un homme prend biiiiiien du temps avant de devenir un homme. Autrement dit, la majorite est un chiffre qui fout rien, comme les limites de vitesse. Pour illustrer ce principe, j'ai observe une loi dans cette societe patriarcale: je la baptiserais "gueule-apres-le-plus-jeune". Si l'aine veut des chips et de la liqueur, il envoie ses cadets lui en chercher a toute heure du jour et de la nuit, pas si-vous-plait et pas merci (oui, biensur, j'exagere. La fonction premiere de ce blogue n'est-elle pas de divertir, j'en ai deja parle plus haut). Couveu 2, par exemple, ne peut se permettre de gueuler qu'apres Neveu 1 qui, pauvre de lui, ne possede de droit d'autorite sur personne.

Voila d'ailleurs que, quand tout le monde commence a s'eparpiller sur la terrasse pour danser ou regarder les autres le faire a leur place, Neveu 1 et ses cousins Neveux x-y prennent une quille de biere a demi-pleine de leurs trente doigts, pour aller l'amener en toute subtilite sur le balcon arriere. "Gen, ste-plait, barre la porte derriere nous et fais le guet." Promis, je reponds en m'etouffant a peine. Et me voici aux aguets, oulala, quel stress, quelle adrenaline. Et si, et s'ils se faisaient prendre a boire les deux-tiers d'une gorgee de biere en cachette dans un party de famille, quel desastre, j'ai la toute une responsabilite. Au bout de quelques minutes ils grattent doucement la porte que j'ouvre a leur ivresse tout-a-fait genante. "Je t'en supplie, me demande un Neveu 1 titubant dans le couloir, dis pas a Mononc Hari que j'ai bu ce soir.
- Honnetement, je pense qu'il s'en fout.
- Dis-lui pas quand meme.
- Promis jure crache-comme-les-indiens. Tu sens-tu quelque chose, au moins? T'es-tu feeling un peu?
- Non, c'est sur que non, faudrait surtout pas.
- C'est quoi l'interet d'abord - t'es pas majeur, toi, anyway?
- Chuis majeur, mais j'ai du respect pour mes aines. "
Bien dit. A ton age, j'avais deja la tache delicate rendre les autres saouls.

Donc, pour la suite, apres un petit moment a m'etre foutue la tete dans les craques du plancher, culpabilisee a mort a l'idee d'avoir irrite les pauvres oreilles vierges d'un jeune homme deja martyrise par l'anonymat de son jour de naissance, j'aime les longues phraaaaaaases, je me laisse interpeller doucement par ces tounes de Bollywood que je connais pratiquement par coeur, ces tounes que j'ai entendu dans le char de Rishikesh a Okhimat et d'Okhimat a Rishikesh, et de Rishikesh a la montagne, et de la montagne a Delhi a Agra a Nahan a Solan aller-retour. Ces tounes qui jouent dans les rues, et que les beaux gars qui portent la boucle d'oreille du cote gauche et des jeans pre-salis utilisent comme sonnerie de cellulaire.

Ces tounes-la, les djs les aiment tellement qu'ils les arretent en plein milieu, pour mieux les faire rejouer 10-12 fois dans la veillee. Mais elles ne sont malheureusement pas toutes necessairement entrainantes. L'une des plus populaires ce soir-la me fait d'ailleurs decrocher la machoire assez solide: la melodie est creee a base de poulet synthetique. Oui oui. Cot cot cot, ca amuse vraiment tout le monde. En loop. En boomerang. Et se succede une fois de temps en temps ce fameux classique: braaaaaziiiiiiiiiil, nana nana nana na naaaaaaa, nana nana nana na naaaaaaa, nana nana nana na naaaaaaa, braaaaaaziiiiiiiiiiiiiiil, braaaaaaziiiiiiiil, BRAAAAAAZIIIIIIIIIIIIIIIL... Pour celle-la je suis foutue, comme je le suis pour Shania Twain, pour la chanson-theme de Passe-Partout, pour My heart will go on, foutue d'une tache indelibile sur le disque de la semaine.

Pas inspirant, moi qui commence a avoir un peu la bougeotte, moi qui me sens finalement prete a purger ma honte par la danse. Oui oui, je suis ENCORE stickee sur cette honte-la.

En attendant une bonne toune, me voila qui fixe mon fond de biere faire de moins en moins de bubulles, assise bien sagement comme une Mona Lisa sur ma chaise en plastique.
Et voila Neveu 2, celui qui n a pas un seul bouton, pas un seul grain de beaute, pas un seul poil de sourcis marginal, et qui gagne partout tous les concours de danse, celui-la s'avance vers moi avec une demarche au ralenti et le vent dans les cheveux, il me tend la main et dit: "tu danses, bebe?"
Et moi de repondre: "Dude... Je l'aime pas, la toune de poulet."
Il rit. Je ris. Nous rions. Et j'accepte d'aller danser sur cette absurdite de chicken-song en le temps de le dire. De toute facon, je sais bien que le dj va la couper a mi-chemin.
Et on danse. Et on danse. Et on danse. Et ca chante les paroles quand il y en a. Et les mononcs sont saouls. Et les enfants nous lachent pas, on a des mini-groupies qui veulent faire les mini-toupies quand on les tient par la main. Et les femmes mariees sont des Mona Lisa, immobiles et patientes sur leurs chaises en plastique, pendant que leurs maris veulent toute l'attention sur la piste de danse et font des concours de c'est-qui-qui-imite-le-mieux-la-texture-d'un-spaghetti-al-dente. Et on se passe le batte.
- Veux-tu ben me dire pourquoi tu regardes tout le temps le plancher? Me demande Neveu 2.
- La gene, ou plutot la HONTE, j'imagine.
- Arrete-moi ca tout de suite. Ou tu vas comme ca?
- Me chercher un verre d'eau.
- T'es pas fatiguee toujours?
- T'es-tu malade. Pas le moins du monde.
- Tu reviens, la, hein?
- Ouiouiouiouioui.
Mais d'ou ils tiennent toute cette energie, je comprends pas. Ca ne perd meme pas son entrain apres avoir entendu les memes tounes trente-deux fois . Faut que je respire.

...Et voila Neveu 2 qui vient me chercher dans la cuisine.
- Tu fais quoi, la?
- Je bois mon verre d'eau.
- Viens danser.
Et les enfants qui font de l'ombre en arriere du beau grand brun avec leurs yeux de brebis. Viens danser, viens danser.
Ok d'abord.

Ca recommence pour une bonne heure.
- Arrete de regarder le maudit plancher!
Ok, ok, j'essaie, monsieur la-star-de-Bollywood.

Il est seulement onze heures et tout le monde est mouru, a sue chaque goutte de biere. Seules demeurent les vapeurs d'alcool qui ont legerement monte au cerveau des vrais hommes, tse la, ceux qui peuvent boire avec toute la benediction du clan.
L'un d'eux, pour quelque motif tout-a-fait irrationnel, dit a Valerie qu'elle a pris du poid. La jeune maman pleine d'energie (dont la silhouette, soit dit en passant, n'est pas du tout sujete a un tel commentaire) lui repond dans un eclat de rire:
- C'est l'alcool qui te fait deformer la vision, espece de bedonnant. Fais attention a ce que tu dis, tu sauras que dans cette maison, j'ai du pouvoir.

Me remplit-on mon verre avec decalage en plein sur la kurta, juste avant le dessert.
Mais alors la quel dessert - une sorte de pudding a base de fruits confits aromatises a la cardamone, servi bien tiede. Au-dela du dessert surtout, la maniere de le servir: l'un des aines s'avance et sert tout le monde a la cuillere comme maman nourrit bebe, d'abord Hari, puis Valerie, Maryse et enfin moi. Au Quebec, pour une question de panique generale face a l'idee de propager des germes, ce concept aurait ete impensable. Ici pourtant, il s'agissait d'une merveilleuse image de respect et de benediction, le summun du partage par un plat de fete. Un geste aussi simple a su resumer parfaitement mon sentiment pour l'Inde: anti-sterile, anti-pasteurise, anti-purell, l'humain dans son etat le plus pur, dans toute la chaleur et l'accueil dont il est capable. C'est tout ce qu'on m'a offert depuis que j'ai mis les pieds ici, et c'est ce qui m'a le plus appris.

Je manque de mots pour exprimer a quel point cette experience de party fut memorable. Un point fort dans mon voyage et dans ma vie. Vivre une fete de famille plonge a la fois dans le quotidien de ses hotes, mais permet egalement de recevoir une dose condensee de leur joie de vivre - en ce pays, elle me semble particulierement contagieuse. Les coutumes, voir les lois internes qui peuvent parfois sembler si farfelues a des yeux etrangers, font partie d'un etrange equilibre duquel on fait presque soi-meme partie au bout d'un moment. Comme de magnifiques parures ne font pas la beaute d'une femme, les multiples traditions de l'Inde n'en font pas necessairement l'attrait. Il y a meme quelque chose au-dela; pour le comprendre, il faut a la fois le voir, le sentir, le gouter, le toucher, l'ecouter; alors seulement l'Inde reussit-elle a eveiller chez soi une sorte de sixieme sens.

dimanche 17 février 2008

Anges gardiens



Ah, la poisse.
C est vraiment pas evident de mettre des photos sur blogger, et c est pas que j en manque. Et pas que je m entende si mal avec la machines - en faite, je les aime bien, meme, aussitot que je me botte le derriere pour patenter un peu.
Je vais tenter de trouver une solution dans un avenir rapproche. Apres tout, meme si je me laisse envahir par une feneantise que je ne peux meme pas mettre sur le dos de cette terre de hippies (moi seule coupable), il se trouve que prendre des photos me purifie enormement, en particulier dans de grands moments de confusion (ne pas s y meprendre, ils me collent a la peau comme de la sueur tropicale). Prendre des photos force a partir a la recherche du beau; il peut donc s agir de l une de ces rares formes d art qui laisse un peu l ego de cote, puisque ce n est pas soi-meme qu on tente de mettre en valeur par l art, on accepte meme une part relativement importante d anonymat dans certains cas. On ne fait que rendre hommage, et rendre hommage me donne l impression que je ne suis pas si seule que ca.
Ci-haut: nos anges gardiens, Raj (celui avec la barbiche) et Ashu (l autre :P), ceux qui nous envoient des messages-textes sur nos cellulaires a tous les matins pour nous souhaiter bonne journee, ceux qui nous font decouvrir les meilleurs restos de la ville, ceux qui nous ont amene des fleurs a la St-Valtentin, ceux qui savent toujours ou trouver de la biere, ceux qui commencent veillee avec des chips aux pickles et des Toblerone. Photo prise lors d une seance intensive de farniente sur un toit de Rishikesh, a trois heures de l apres-midi.
Juste en-dessous: la mere de K.D., qui m a donne une grande lecon de bonte en ce monde.

mardi 12 février 2008

Transmettre un don

Bonne St-Valentin. :)



***



Un pourcentage eleve des pitounes trendy du Plateau Mont-Royal font du yoga.


Moi, j ai teste: 7 heures trente, lendemain de veille tres tres leger, yoga traditionnel sur le bord du Gange, professeur avec une barbe et un point rouge dans le front. Quint toe, la vraie maniere, pas celle du Nautilus Plus.


...


...C etait tres....


...dull.


***


J ai voulu flatter une jolie vache pres de Ram Jula. Elle m a fonce dedans comme un bulldozer. Plus de peur que de mal. Mais j ai tres bien compris le sens profond de l expression: c**** de vache.


***


A force de rencontrer des illumines, le cerveau devient fatigue. J ai ressenti le besoin de trouver quelque chose de motivant a faire, voir de routinier, de me concentrer sur quelques elements plutot que d etre petrifiee devant la tonne de choses que j aimerais faire... sans jamais en commencer une.
J ai donc tout plogue dans la meme journee.


...A commencer par le yoga, ca je viens d en parler. Il s agissait de longs exercices de respiration profonde en position horizontale. En d autres mots, le type me fait lever a sept heures du matin pour me dire de me recoucher... Quand il n est pas en train de me matraquer des noms de chakras en sanskrit comme si je devais les connaitre aussi bien que le nom de ma mere. Pour me dire, finalement: arrete de boire, arrete de fumer. Come on... Je te pleure, mon ami. Misericorde.


Hari m a deniche une prof de hindi et de cuisine, dans un sous-sol incognito d une cote qui mene a la foret ( j apprends de plus en plus a ne pas me fier aux endroits apparemment incognito, ici ). La se trouve le minuscule un et demie qui sert de local de cours, de chambre a coucher et de cuisine. Mais sa VUE. Quelle vue. Les montagnes, le sable blanc, les rochers, et le Gange, avec le pont de Ram Jula, et le reflet du soleil sur l eau turquoise qui illumine toute la piece. Voila qu on me presente une bonne femme bien en chair qui parle avec une charmante voix legerement rouillee. Son sourire est genereux, tout comme l est son temps. Une femme qui vient du Sud de l Inde, dont l histoire m a abasourdi.


Il se trouve qu elle a appris l anglais en autodidacte. Son pere, absolument oppose a l idee qu elle puisse etudier, l a mariee a quinze ans. C est d ailleurs a cet age qu elle a eu son premier enfant. Je ne vais pas passer ma vie a rien faire a attendre que les choses m arrivent, qu elle dit. Catholique, elle a prie. Et dans des eglises anglaises, pour que Dieu lui permette de lire les pamphlets. A force d y croire, elle y est tout simplement parvenue. Un jour, elle a meme decide de partir visiter son pays en entier, toute seule. Je vais te transmettre mon don, qu elle dit. J ai appris qu on pouvait apprendre n importe quoi dans la vie, et tu apprendras le hindi comme j ai appris l anglais.

...Il est a noter que le hindi s ecrit avec un alphabet propre et pas evident, qu elle a reussi a m apprendre presque parfaitement en trois jours. Et a toutes les fois que je trace une lettre comme du monde, elle me faisait de grands sourires d encouragement, j ai l impression d avoir six ans.


Apres une heure intensive de langue, on se met aux fourneaux. Elle dit: en une petite heure, on a tout fini. On en a pour trois. Elle insiste pour inviter Maryse a partager notre paneer tikka masala, nos legumes korma, et nos momos tibetains. A se rouler par terre, sans aucune hesitation. Et jour apres jour, ca continue; les dosas, le pain Naan, la soupe aux lentilles jaunes, le curry de pois chiches et les samosas. Et du bon the chai, cela va s en dire, avec beaucoup de gingembre et de cardamone. Sous une douce lumiere refletee par le Gange.


***


Parfois, je suis de mauvaise humeur, malgre tout. Quand tout le monde medite et fait du yoga, j ai parfois envie d ecouter du Francois Perusse pendant des heures. Maryse comprend tres bien, ses hormones a elle aussi font leur travail.

Voila que Hari decide de nous sortir de notre mauvais mood en envoyant ses deux cousins cutes (TRES cutes) nous faire une looooongue promenade en moto dans les montagnes, sous la lumiere oranger de quatre heures de l apres-midi.

Ici, il faut prendre une petite minute pour visualiser.


:)

Le mauvais mood il est parti.


Enweye ti-gars, pese sus l gaz.

dimanche 10 février 2008

Notes de cours

J ai lu sur un paquet d allumettes quelque chose qui sonne un peu comme suit:
La vie est une discipline pour laquelle on n a pas pris assez de notes de cours.

Voila.
C est pour ca que j ecris un blogue, meme si personne le lit.

vendredi 8 février 2008

Hypocondriaque

Maryse et moi nous sommes fait un nouvel ami au cafe Internet, un grand coeur dans un tout petit bout d homme qui s appelle Ashu.
Quand je passe de longues heures a ecrire mon blogue, Ashu m offre du cafe, car il est proprietaire du restaurant au-dessus (que nous aimons beaucoup, d ailleurs).
Ashu est du caste des Brahmans, les sages, les preux. Mais il est profondement convaincu que mediter trop rend fou. Et il croit qu en chaque homme, il y a une divinite qui n a pas besoin de porter de nom.
Maryse est toujours malade. Et elle est grugee par la peur d etre toujours encore plus malade. Regardez toutes les bibittes que vous nous avez mis dans la tete en nous effrayant avec la malaria, la diarrhee et la peste. Je suis convaincue que c est le stress bien plus que la bouffe qui fait chier mou, ici.

Je dis a Maryse qu elle a un systeme immunitaire de moumoune a cause du vegetarisme. Elle met la faute sur les antibiotiques que ses parents lui ont donne. Hari et Ashu prennent bien soin d elle, se marrent a lui faire bouffer du porridge. Ils lui ont recommande un medecin ayurvedique qui fait apparemment des miracles, devine tous les problemes du monde en tatant le pouls, fait inhaler des herbes qui puent, fait des massages de plexus solaires. Puisque Maryse est hippie, c est precisement ce dont elle a besoin.
Curieux: depuis qu elle a vu le medecin, elle va beaucoup mieux.
Je m abstiens de plus de commentaires.
Hari met de la pression pour que j y aille moi aussi. Je suis en parfaite sante, je dis. Il s en fout, vas-y pareil. On verra.

***

Ashu nous invite a souper avec un de ses amis qui a grandi a Mumbay et qui vit maintenant en Grece, apres avoir passe quelques annees de sa vie a Hong Kong. On atterrit au deuxieme etage d un immeuble parfaitement incognito depuis l exterieur, mais dont le decors tres New Age nous plonge immediatement dans un etat de bien etre. Les grandes banquettes surelevees nous oblige a s asseoir en Indien (haha!), tous les murs sont recouvert de paille tressee, et l eclairage est tamise par des lampes artisanales suspendues au plafond.
Nous discutons.
Pendant des heures, et des heures, sans voir le temps passer.

Nous parlons de mariage, qui a une place bien centrale dans la culture Indienne.
Mariage arrange par les parents, dans 90% des cas, dois-je preciser. Comme cette idee est insupportable a une mentalite occidentale, la discussion s arrete bien rapidement a nos tables. Immonde, arriere, a l encontre du droit de l homme, et ca finit la.
Et voila que le temps assouplit les mentalites, d un cote comme de l autre de l ocean qui nous separe, et on en arrive a parler et a ecouter avec un parfait equilibre.
Rien ne m oblige a prendre position. En ce pays, c est la regle du bonheur, je crois. Et c est la regle que nos deux hotes de la soiree ont manifestement adopte, egalement. Quelle merveille, ce type de conversation.


Voici.

Point 1.
Supposons que nous devions passer toute notre vie avec une personne que nous n aimons pas, a se faire pitcher des roches si on regarde trop longtemps ailleurs. Et cette personne que nous n aimons pas, il faut lui faire dix-huit enfants (oui, j eeeeexagere). Il faut se tapper les hormones, lui faire a manger, faire son lavage. Statut de le femme, priorite non classee.

Point 2.
Supposons que nous devions passer notre vie a faire des essais-erreurs sans jamais tenter de reellement investir. Supposons qu en recherchant une perfection sterile chez l autre, nous en oubliions la beaute de l echange et de l ecoute, la gratuite, le devouement. Et que nous nous cherchions nous-meme, de maniere narcissique, dans la beaute de quelqu un sur mesure. Sans prendre reellement le temps de s interesser a la reelle beaute de l autre dans sa difference, en passant son temps a la fuir.

Point 1.
Supposons que chacun ait des traits de personnalite, des interets, des reves, des desirs bien particuliers et que personne ne puisse les connaitre mieux que soi-meme. Ce ne sont pas aux parents de cuisiner des combinaisons improvisees la-dessus.

Point 2.
Supposons que mes parents aient crie: YESSIR apres chaque chum que j ai laisse. Et qu ils me disent avec tout leur amour: ce n etait pas un gars pour toi. Ils le savaient peut-etre avant moi.
Et voila.
J ai compris le point.
C est tout ce qui importe, puisque nous vivons dans un monde d imperfections ou tous les parents ne sont peut-etre pas aussi cools que les miens.
Vous etes les plus meilleurs, je suis tellement chanceuse, que vous me patentiez un mariage ou pas.

...PAS, s il vous plait.

...Quand meme.

***

Je passe plusieurs heures a lire et a ecrire dans un petit restaurant grano, qui prepare le meilleur chai de l univers, et qui offre une vue sublime sur le Gange, le pont de Lakshman Jula anime par des regiments de singes, et les superbes ashrams de l autre cote de la rive.
Maryse et moi sommes sublimees par les cabrioles des primates. Nous poussons des: oooooooooh et des aaaaaaaaah tout le long du diner.
Hari: Sont cutes, hein, les singes? Voila, ils ont le droit de vivre, eux-autres. Mais etant donne que des coquerelles, c est laid, il faut les ecraser. C est arriere, comme mentalite.

Bon, je pense qu apres les vaches, les singes, les elephants, les taureaux et les rats, on va devoir ajouter les coquerelles a l evantail des animaux sacres.

***

L Inde est un superbe clash entre la tradition et la modernite (il est a noter qu il pleut des diplome en informatiques en ce pays, que de beaux jeunes hommes font des rides de motos avec un coat de cuir, et ecrivent Krishna sur leur becyk a gaz).
Un type que je rencontre sur la route menant a la plage au sable blanc me dit qu un sms, c est comme une priere, mais avec accuse de reception. C est concretiser en message-texte, sur un cellulaire, la pensee qu on a pour quelqu un.
Dans le meme genre de reflexions, K.D. dit d ailleurs qu un mantra, c est comme une adresse courriel; si tu fais des fautes, ca se rend pas.

***

Comique.
Au Quebec, pour dire qu on va aux toilettes, on dit qu on va au ptit coin.
Pour dire qu ils vont aux toilettes, les Indiens disent qu y vont au Pakistan.

jeudi 7 février 2008

Je veux pas savoir quand je vais mourir

Je rencontre un professeur de meditation sur la route qui mene a la plage au sable blanc. Je m arrete sur le bord de la route avec Maryse, sous un soleil tappant de trois heures, pour un the menthe-citron-miel-gingembre prepare avec amour a meme le trottoir.
L homme parle a peine, respire a peine. Maryse est interessee a savoir ce qu on apprend dans un cours de meditation. Apres tout, en soi, mediter signifie: ne rien faire, penser a rien, s imaginer dans le fond qu on n est rien. Enseigner en soi va un peu a l encontre du principe.
L homme repond. Je retiens un exercice en particulier.
A un moment donne de la seance, il demande a tous les particippants de se fixer longtemps dans les yeux a tour de role pour finalement s y voir soi-meme (au-dela du simple reflet physique dans la pupille). Parce que, dit-il, il n y a qu une seule et meme ame, au-dela de sept milliards d egos sur cette terre.
Certains diront que ce principe est tres exagere. Peut-etre.
Je me permets une reflexion, parce que c est mon blogue.
Nous avons tous des criteres acquis, mais peut-etre pas justifiables ou remis en question, a partir desquels nous jugeons ce qui est exagere ou pas. Oui, le cerveau humain a tout simplement ses limites, il demande souvent plusieurs concepts de base pour se mettre en marche. Ces fondations, justement, celles qui ont une grande place dans le subconscient, elles ont parfois la chance de s ebranler face a la difference, grace a l ecoute. Nous disons tres certainement tous des niaiseries sans meme s en rendre compte. Est-ce que les niaiseries des uns sont meilleures que les niaiseries des autres? Et est-ce que les niaiseries des autres peuvent, par miracle, nous faire realiser les notres?
Supposons que Monsieur le professeur dise des niaiseries, je me dis seulement que le fait de croire en une seule ame universelle est un tres joli concept qui pourrait mener a l ouverture.
Et ca, j aime bien. Et si on y croyait, pour le fun, si c est pas pour de vrai.

***

Puneet, vendeur de pierres precieuses dans une petite bijouterie sur cette rive tres mystique du Gange, est un etre d une sagesse qui m a sciee en deux. On m en avait parle, j ai eu envie de le rencontrer.
Un petit bonjour, il offre gentiment du chai, et il se met a parler comme si le temps n existait plus. D ailleurs, il commence justement en expliquant que le temps, en faite, n existe pas. Il s agit d une conception comme tant d autres qui se rangent dans ces fameuses fondations du subconscient et qui y restent, comme du vieux linge qu on veut pas donner a personne. Il dit que ce monde materiel est comparable a des vagues sur un vaste ocean; on n arrive pas a les saisir. Une fois dans nos mains, seule demeure l eau (et encore). Si on passe sa vie a essayer d attrapper des vagues, on devient immanquablement fru. Et on passe a cote de toutes les merveilles que nous reservent les fonds marins.
Le defi d une vie humaine: tenter de trouver l essence qui demeure, sous la surface.
Paaaaaas facile.
Apres un mois en Inde, j ai la quasi-pretention d avoir une idee du flocon de neige sur le boutte du boutte du ptit pique en haut de la bosse apparente du dessus de l iceberg en superficie de la mer sur ce que ca pourrait bien etre.
Et ca a un rapport presque direct avec cette etrange idee d ame universelle.

***

Je lui montre mes deux paumes de main.
Une chose s il vous plait, je veux pas savoir quand je vais mourir, que je dis.
Le plus serieusement du monde: voyons dont, l ame meurt jamais, qu y repond.

***

Avec Puneet, le temps, concept comparable aux vagues en superficie de l ocean si j ai bien compris (???), passe comme un couteau dans le beurre (je n ai pas trouve une analogie moins agressive, meme si j aurais bien voulu).
Combien je vous dois pour ces precieuses parcelles de sagesse, je demande.
Il repond: ce que tu m aurais donne, prend-le pour acheter des biscuits, et distribue-les a ceux qui ont faim.
Ca y est. Plus de mots.

***

Oui, un mot. Le mot de la fin.
L Inde est merveilleuse, mais la liberte d expression a la quebecoise est une chance inestimable. Voici, j en profite.
J accepte par consequent des commentaires tout aussi libres du type: gang de mongoles qui sentent le patchouli, arretez de voir des pouliches dans le Gange.
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C est un peu plate.
...quand meme.