mardi 19 février 2008

Party indien

Ci-bas: photos prises lors du trekking a Okhimath, dans l Himalaya.



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Important: mes chers lecteurs constateront que le prochain billet, tres sournoisement, contiendra progressivement sa petite part de niaiseries. Certains details paraitront a mes chers lecteurs un tantinet impoliticly correct, il est a noter que je me suis bidonnee a ecrire ce qui suit car je garde dans mon jardin secret la recette equilibree entre le reel et la caricature. Il faut s'amuser en lisant sinon... Ben ca vaut pas la peine, allez lire les nouvelles sur cyberpresse. :P

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C est le premier anniveraire Shanti. Papa Hari est tres fier et decide de faire une grosse fete. Ben la, lui demande Valerie, tu veux une fete pour la petite ou une fete pour les grands? Papa repond: les deux. Pas besoin d en dire plus pour allarmer toute la famille et les amis, qui habitent d ailleurs pratiquement tous dans la meme batisse: les parents, les grands-parents, les freres, les soeurs, les neveux, les cousins rapproches et les neveux eloignes, parfois meme ceux qui sont un melange des deux (!).
Fideles a notre habitude, Maryse et moi arrivons ridiculement en retard pour la fete (avant souper, tout de meme) et sommes malgre tout les premieres arrivees. Hari nous amene chez le tailleur nous approprier nos kurta pajama (complets indiens) que nous avions fait faire specialement pour l occasion, deux jours auparavant.

Ce samedi apres-midi ensoleille-la, au magasin de tissus, c etait la folie furieuse. Des familles entieres s entassaient dans un miniscule commerce ou les marchands empilaient sur le sol des palettes impressionnantes de tissus colores. Meme si je n avais pas l intention au depart d acheter quoique ce soit, j ai ete rapidement seduite par une tunique d un gris argente brodee de noir et d or, accompagnee d un pantalon noir ajuste (le genre qui fait beaucoup de jolis plis sur la cheville). Maryse et Valerie se sont mises a critiquer ouvertement le gris, elles voulaient du rooooose et du bleeeeu et les tissus rooooose et les tissus bleeeeeus s accumulaient devant leurs regards perplexes et c est tout juste si des troupeaux d elephants ne pilaient pas dessus, bref, ca n en finissait plus de finir. Seul Hari approuvait mon gris argente et son etonnante simplicite (peut-etre supportait-il simplement l idee geniale de choisir au plus sacrant).
Maryse a finalement arrete son choix sur une tunique en coton bleu ciel avec des broderies roses et blanches, ainsi que d un pantalon ample de couleur sable - chaque complet est d ailleurs toujours accompagne d un voile agence. Les tissus dans les mains, nous sommes passees chez le vieux tailleur, le genre a qui vous parlez et qui prend des notes, et sur ces notes vous jettez un coup d oeil, et ce coup d oeil fait emerger chez vous un doute, un tres leger doute legerement inconfortable qui vous pousse a vous repeter, et repeter encore, et repeter encore pour etre sur, pour finalement quitter avec la tres legere impression de ne pas vous etre fait tout-a-fait comprendre malgre tout. Vous savez, ce genre de tailleur-la.
Evidemment, deux jours plus tard (soit: le jour J), les tuniques sont trop grandes, les pantalons trop justes et les designs d encolure ont ete interchanges d un complet a l autre - mais tout de meme, rien d irreparable, de quoi sentir qu on fait partie de la fete.

Apres avoir enfile nos costumes, nous attendons que le monde arrive, aupres de Valerie qui nourrit la petite - petite qui sera couchee, biensur, avant que les premieres notes de musique de Bollywood ne se fassent entendre. Les cousines, magnifiques avec leurs habits colores (le roooose et le bleeeeu sont a l honneur, evidemment), leurs longues nattes noires et leur anneau d or dans le nez, arrivent les premieres en laissant croire qu elles y etaient avant tout le monde. Les freres et les soeurs suivent de pres, avec les tits-neeeeuveux; les cousins cutes (TRES cutes) ne se font pas trop attendre; finalement se joignent a nous le rhum and coke et la biere. La musique commence a se faire discrete sur la terrasse apres le crepuscule, simplement pour commencer a eveiller chez tout ce beau monde une envie de danser qui deviendra insoutenable au bout d une heure (mais pas tout de suite, parce qu on est de ce genre d invites qui se font attendre, qui ne dansent jamais les premiers et qui ne trempent le gros orteil sur la piste de danse que lorsqu on l a deja bien echauffee). Un nombre incalculable d amis et de mononcs s entassent dans la cuisine, au salon, sur le balcon. Pas de cadeaux, s il vous plait, avait precise Valerie. Il ne fallut que d une requete aussi simpliste pour que tout le monde arrive les mains pleines. Le sol est recouvert de toutous. Papa n arrete plus de jouer, surtout avec le petit chien mecanique qui spinne sur ses deux pattes arrieres, celui qui fait brailler la petite.
Un immense buffet est installe sur la terrasse et tout le monde se serre allegrement du riz basmati au beurre, du channa masala (delicieux curry epice a base de pois chiches), des legumes aromatises au cumin et au tulmerik ainsi que des papadams pas-trop-epices-pour-une-fois-comme-dirait-Maryse.

La soiree commence sur une note ESSENTIELLE a tout bon party, celle qui en fait necessairement une soiree inoubliable et qui redonne l impression d avoir cinq ans a Noel. C est a dire: quelqu un doit necessairement se rendre ridicule et faire une gaffe. L alcool aidant, ce soir-la, ce fut EVIDEMMENT moi, il faut croire que ma chance a fait une boucle.
Ah, comme c est genant, est-ce que je devrais raconter.
...Je devrais, sinon mes lecteurs vont s imaginer bieeeeeen pire.

Je vais ici remedier a un flashback pour bien mettre en situation.
Dans un pas-lointain-du-tout billet de ce meme blogue, peut-etre n est-ce pas si vague pour mes chers lecteurs, je referais a une promenade a moto dans les montagnes sur la monture de deux tres, tres cutes cousins de Hari.
Erratum no 1; mon biker a moi etait non bien un cousin mais un neveu de Hari, que nous allons appeler anonymement Neveu 1 a partir de maintenant. A 18 ans, Neveu 1 va etre le petard du siecle dans a peu pres cinq ans.
J ai egalement induit mes chers lecteurs dans l erreur pour un autre detail: non que je veuille insinuer une quelconque consanguinite dans la famille, mais il se trouve que pour une raison obscure, la monture de Maryse (ou plutot le CAVALIER qui DIRIGEAIT la monture de Maryse, pour etre plus juste) s avererait etre A LA FOIS un cousin et un neveu a Hari. Appelons-le Couveu 2, et c est particulierement en son intention que je recherche l anonymat. Lui et son sourire Colgate fluo dans le teint basane. Est-ce que je viens d ecrire ca? Faut croire. N ayez crainte, c est tres chaste.
Couveu 2 est un tout petit peu plus vieux que Neveu 2, celui qui n a pas un seul bouton, pas un seul grain de beaute, pas un seul poil de sourcis marginal, et qui gagne partout tous les concours de danse. J en parlerai plus tard, de celui-la. En ce moment, je ne fais qu acumuler les lettres et les chiffres pour donner un peu de defi a mes chers lecteurs, qu ils se rappellent un peu de tout le monde. Ils sont egalement invites a faire reference aux precedents passages pour mieux se faire une idee de la fete, s y sentir invite. Mais pour le moment, revenons-en a ce parent abstrait de Hari, Couveucolgateinthedark number two, parce qu il se trouve que ce soir est un soir tres special pour lui aussi: c est egalement son anniversaire, sans que personne ne le sache. Personne, sauf evidemment Hari, Valerie, Maryse et moi.

Oui, c est CE genre de gaffes que j ai fait. Une petite happy-birthday-gaffe. Gaffe verbale, tout de meme. Ce genre de gaffes qui survient quand on a bu un peu de biere et qu on regarde une paire de grands yeux bruns d anniversaire en forme d amandes, du coup on perd un peu son anglais et certains mots ressemblent a d autres. Pour donner un exemple tout a fait quelconque, dans une phrase qui ressemble a: T es pas jaloux que tout le monde amene des cadeaux pour Shanti mais que personne ne t en amene a toi, des mots comme "gift" et "kiss" puissent etre interchanges. C est tout a fait anodin bien sur, et c est tres facile a manier par la suite. Surtout quand Maryse est pas en train de se peter la face sur le plancher a rire comme une attardee, pour me rappeler le cocasse de ce que je viens de dire.
Voici comment on s en sort: On regarde la biere d'un regard se voulant plein d'assurance et on lui dit: qu'est-ce que tu me fais dire, toi. La grande classe, avec eclats de rires quebecois en background.

..Oui, c est juste ca. Je sais, c est rien pantoute.
Mais ca me cause une mignonne dose de paranoia pour la soiree. Voici pourquoi: J ai l impression terrifiante que mon subconscient s echappe par voie orale, qu il y a maintenant une fusion involotaire entre le je-dis et le je-pense-a-quelque-part-loin-loin-dans-mon-esprit, que c est irrevocable a jamais avec pleonasme.
Ok, non, mieux: j ai juste eu l air un peu twit, ca faisait longtemps que ca m etait pas arrive, et j ai du assimiler une periode de readaptation face au ridicule.
Voila. J ai l impression d etre en sixieme annee, lors d une danse du club disons-non-a-la-drogue. La fois, genre, ou je suis allee vomir dans les toilettes apres avoir gagne le concours de rap.

Comme dirait si bien Jean Leloup: J ai ici de grands moments de lucididididididididite.

A noter par contre: en clavier etranger, j'ai soudainement-maintenant-tout-de-suite recouvert l'usage de la virgule.

Je tiens a preciser une difference assez immense entre les cultures, un contexte qui influence mon paranoia. Cette difference, au-dela d'un conservatisme bien preserve (j'ai deja parle de mariages arranges par ailleurs), est marque par une proximite incroyable entre les membres de la famille, par lequel un homme prend biiiiiien du temps avant de devenir un homme. Autrement dit, la majorite est un chiffre qui fout rien, comme les limites de vitesse. Pour illustrer ce principe, j'ai observe une loi dans cette societe patriarcale: je la baptiserais "gueule-apres-le-plus-jeune". Si l'aine veut des chips et de la liqueur, il envoie ses cadets lui en chercher a toute heure du jour et de la nuit, pas si-vous-plait et pas merci (oui, biensur, j'exagere. La fonction premiere de ce blogue n'est-elle pas de divertir, j'en ai deja parle plus haut). Couveu 2, par exemple, ne peut se permettre de gueuler qu'apres Neveu 1 qui, pauvre de lui, ne possede de droit d'autorite sur personne.

Voila d'ailleurs que, quand tout le monde commence a s'eparpiller sur la terrasse pour danser ou regarder les autres le faire a leur place, Neveu 1 et ses cousins Neveux x-y prennent une quille de biere a demi-pleine de leurs trente doigts, pour aller l'amener en toute subtilite sur le balcon arriere. "Gen, ste-plait, barre la porte derriere nous et fais le guet." Promis, je reponds en m'etouffant a peine. Et me voici aux aguets, oulala, quel stress, quelle adrenaline. Et si, et s'ils se faisaient prendre a boire les deux-tiers d'une gorgee de biere en cachette dans un party de famille, quel desastre, j'ai la toute une responsabilite. Au bout de quelques minutes ils grattent doucement la porte que j'ouvre a leur ivresse tout-a-fait genante. "Je t'en supplie, me demande un Neveu 1 titubant dans le couloir, dis pas a Mononc Hari que j'ai bu ce soir.
- Honnetement, je pense qu'il s'en fout.
- Dis-lui pas quand meme.
- Promis jure crache-comme-les-indiens. Tu sens-tu quelque chose, au moins? T'es-tu feeling un peu?
- Non, c'est sur que non, faudrait surtout pas.
- C'est quoi l'interet d'abord - t'es pas majeur, toi, anyway?
- Chuis majeur, mais j'ai du respect pour mes aines. "
Bien dit. A ton age, j'avais deja la tache delicate rendre les autres saouls.

Donc, pour la suite, apres un petit moment a m'etre foutue la tete dans les craques du plancher, culpabilisee a mort a l'idee d'avoir irrite les pauvres oreilles vierges d'un jeune homme deja martyrise par l'anonymat de son jour de naissance, j'aime les longues phraaaaaaases, je me laisse interpeller doucement par ces tounes de Bollywood que je connais pratiquement par coeur, ces tounes que j'ai entendu dans le char de Rishikesh a Okhimat et d'Okhimat a Rishikesh, et de Rishikesh a la montagne, et de la montagne a Delhi a Agra a Nahan a Solan aller-retour. Ces tounes qui jouent dans les rues, et que les beaux gars qui portent la boucle d'oreille du cote gauche et des jeans pre-salis utilisent comme sonnerie de cellulaire.

Ces tounes-la, les djs les aiment tellement qu'ils les arretent en plein milieu, pour mieux les faire rejouer 10-12 fois dans la veillee. Mais elles ne sont malheureusement pas toutes necessairement entrainantes. L'une des plus populaires ce soir-la me fait d'ailleurs decrocher la machoire assez solide: la melodie est creee a base de poulet synthetique. Oui oui. Cot cot cot, ca amuse vraiment tout le monde. En loop. En boomerang. Et se succede une fois de temps en temps ce fameux classique: braaaaaziiiiiiiiiil, nana nana nana na naaaaaaa, nana nana nana na naaaaaaa, nana nana nana na naaaaaaa, braaaaaaziiiiiiiiiiiiiiil, braaaaaaziiiiiiiil, BRAAAAAAZIIIIIIIIIIIIIIIL... Pour celle-la je suis foutue, comme je le suis pour Shania Twain, pour la chanson-theme de Passe-Partout, pour My heart will go on, foutue d'une tache indelibile sur le disque de la semaine.

Pas inspirant, moi qui commence a avoir un peu la bougeotte, moi qui me sens finalement prete a purger ma honte par la danse. Oui oui, je suis ENCORE stickee sur cette honte-la.

En attendant une bonne toune, me voila qui fixe mon fond de biere faire de moins en moins de bubulles, assise bien sagement comme une Mona Lisa sur ma chaise en plastique.
Et voila Neveu 2, celui qui n a pas un seul bouton, pas un seul grain de beaute, pas un seul poil de sourcis marginal, et qui gagne partout tous les concours de danse, celui-la s'avance vers moi avec une demarche au ralenti et le vent dans les cheveux, il me tend la main et dit: "tu danses, bebe?"
Et moi de repondre: "Dude... Je l'aime pas, la toune de poulet."
Il rit. Je ris. Nous rions. Et j'accepte d'aller danser sur cette absurdite de chicken-song en le temps de le dire. De toute facon, je sais bien que le dj va la couper a mi-chemin.
Et on danse. Et on danse. Et on danse. Et ca chante les paroles quand il y en a. Et les mononcs sont saouls. Et les enfants nous lachent pas, on a des mini-groupies qui veulent faire les mini-toupies quand on les tient par la main. Et les femmes mariees sont des Mona Lisa, immobiles et patientes sur leurs chaises en plastique, pendant que leurs maris veulent toute l'attention sur la piste de danse et font des concours de c'est-qui-qui-imite-le-mieux-la-texture-d'un-spaghetti-al-dente. Et on se passe le batte.
- Veux-tu ben me dire pourquoi tu regardes tout le temps le plancher? Me demande Neveu 2.
- La gene, ou plutot la HONTE, j'imagine.
- Arrete-moi ca tout de suite. Ou tu vas comme ca?
- Me chercher un verre d'eau.
- T'es pas fatiguee toujours?
- T'es-tu malade. Pas le moins du monde.
- Tu reviens, la, hein?
- Ouiouiouiouioui.
Mais d'ou ils tiennent toute cette energie, je comprends pas. Ca ne perd meme pas son entrain apres avoir entendu les memes tounes trente-deux fois . Faut que je respire.

...Et voila Neveu 2 qui vient me chercher dans la cuisine.
- Tu fais quoi, la?
- Je bois mon verre d'eau.
- Viens danser.
Et les enfants qui font de l'ombre en arriere du beau grand brun avec leurs yeux de brebis. Viens danser, viens danser.
Ok d'abord.

Ca recommence pour une bonne heure.
- Arrete de regarder le maudit plancher!
Ok, ok, j'essaie, monsieur la-star-de-Bollywood.

Il est seulement onze heures et tout le monde est mouru, a sue chaque goutte de biere. Seules demeurent les vapeurs d'alcool qui ont legerement monte au cerveau des vrais hommes, tse la, ceux qui peuvent boire avec toute la benediction du clan.
L'un d'eux, pour quelque motif tout-a-fait irrationnel, dit a Valerie qu'elle a pris du poid. La jeune maman pleine d'energie (dont la silhouette, soit dit en passant, n'est pas du tout sujete a un tel commentaire) lui repond dans un eclat de rire:
- C'est l'alcool qui te fait deformer la vision, espece de bedonnant. Fais attention a ce que tu dis, tu sauras que dans cette maison, j'ai du pouvoir.

Me remplit-on mon verre avec decalage en plein sur la kurta, juste avant le dessert.
Mais alors la quel dessert - une sorte de pudding a base de fruits confits aromatises a la cardamone, servi bien tiede. Au-dela du dessert surtout, la maniere de le servir: l'un des aines s'avance et sert tout le monde a la cuillere comme maman nourrit bebe, d'abord Hari, puis Valerie, Maryse et enfin moi. Au Quebec, pour une question de panique generale face a l'idee de propager des germes, ce concept aurait ete impensable. Ici pourtant, il s'agissait d'une merveilleuse image de respect et de benediction, le summun du partage par un plat de fete. Un geste aussi simple a su resumer parfaitement mon sentiment pour l'Inde: anti-sterile, anti-pasteurise, anti-purell, l'humain dans son etat le plus pur, dans toute la chaleur et l'accueil dont il est capable. C'est tout ce qu'on m'a offert depuis que j'ai mis les pieds ici, et c'est ce qui m'a le plus appris.

Je manque de mots pour exprimer a quel point cette experience de party fut memorable. Un point fort dans mon voyage et dans ma vie. Vivre une fete de famille plonge a la fois dans le quotidien de ses hotes, mais permet egalement de recevoir une dose condensee de leur joie de vivre - en ce pays, elle me semble particulierement contagieuse. Les coutumes, voir les lois internes qui peuvent parfois sembler si farfelues a des yeux etrangers, font partie d'un etrange equilibre duquel on fait presque soi-meme partie au bout d'un moment. Comme de magnifiques parures ne font pas la beaute d'une femme, les multiples traditions de l'Inde n'en font pas necessairement l'attrait. Il y a meme quelque chose au-dela; pour le comprendre, il faut a la fois le voir, le sentir, le gouter, le toucher, l'ecouter; alors seulement l'Inde reussit-elle a eveiller chez soi une sorte de sixieme sens.

dimanche 17 février 2008

Anges gardiens



Ah, la poisse.
C est vraiment pas evident de mettre des photos sur blogger, et c est pas que j en manque. Et pas que je m entende si mal avec la machines - en faite, je les aime bien, meme, aussitot que je me botte le derriere pour patenter un peu.
Je vais tenter de trouver une solution dans un avenir rapproche. Apres tout, meme si je me laisse envahir par une feneantise que je ne peux meme pas mettre sur le dos de cette terre de hippies (moi seule coupable), il se trouve que prendre des photos me purifie enormement, en particulier dans de grands moments de confusion (ne pas s y meprendre, ils me collent a la peau comme de la sueur tropicale). Prendre des photos force a partir a la recherche du beau; il peut donc s agir de l une de ces rares formes d art qui laisse un peu l ego de cote, puisque ce n est pas soi-meme qu on tente de mettre en valeur par l art, on accepte meme une part relativement importante d anonymat dans certains cas. On ne fait que rendre hommage, et rendre hommage me donne l impression que je ne suis pas si seule que ca.
Ci-haut: nos anges gardiens, Raj (celui avec la barbiche) et Ashu (l autre :P), ceux qui nous envoient des messages-textes sur nos cellulaires a tous les matins pour nous souhaiter bonne journee, ceux qui nous font decouvrir les meilleurs restos de la ville, ceux qui nous ont amene des fleurs a la St-Valtentin, ceux qui savent toujours ou trouver de la biere, ceux qui commencent veillee avec des chips aux pickles et des Toblerone. Photo prise lors d une seance intensive de farniente sur un toit de Rishikesh, a trois heures de l apres-midi.
Juste en-dessous: la mere de K.D., qui m a donne une grande lecon de bonte en ce monde.

mardi 12 février 2008

Transmettre un don

Bonne St-Valentin. :)



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Un pourcentage eleve des pitounes trendy du Plateau Mont-Royal font du yoga.


Moi, j ai teste: 7 heures trente, lendemain de veille tres tres leger, yoga traditionnel sur le bord du Gange, professeur avec une barbe et un point rouge dans le front. Quint toe, la vraie maniere, pas celle du Nautilus Plus.


...


...C etait tres....


...dull.


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J ai voulu flatter une jolie vache pres de Ram Jula. Elle m a fonce dedans comme un bulldozer. Plus de peur que de mal. Mais j ai tres bien compris le sens profond de l expression: c**** de vache.


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A force de rencontrer des illumines, le cerveau devient fatigue. J ai ressenti le besoin de trouver quelque chose de motivant a faire, voir de routinier, de me concentrer sur quelques elements plutot que d etre petrifiee devant la tonne de choses que j aimerais faire... sans jamais en commencer une.
J ai donc tout plogue dans la meme journee.


...A commencer par le yoga, ca je viens d en parler. Il s agissait de longs exercices de respiration profonde en position horizontale. En d autres mots, le type me fait lever a sept heures du matin pour me dire de me recoucher... Quand il n est pas en train de me matraquer des noms de chakras en sanskrit comme si je devais les connaitre aussi bien que le nom de ma mere. Pour me dire, finalement: arrete de boire, arrete de fumer. Come on... Je te pleure, mon ami. Misericorde.


Hari m a deniche une prof de hindi et de cuisine, dans un sous-sol incognito d une cote qui mene a la foret ( j apprends de plus en plus a ne pas me fier aux endroits apparemment incognito, ici ). La se trouve le minuscule un et demie qui sert de local de cours, de chambre a coucher et de cuisine. Mais sa VUE. Quelle vue. Les montagnes, le sable blanc, les rochers, et le Gange, avec le pont de Ram Jula, et le reflet du soleil sur l eau turquoise qui illumine toute la piece. Voila qu on me presente une bonne femme bien en chair qui parle avec une charmante voix legerement rouillee. Son sourire est genereux, tout comme l est son temps. Une femme qui vient du Sud de l Inde, dont l histoire m a abasourdi.


Il se trouve qu elle a appris l anglais en autodidacte. Son pere, absolument oppose a l idee qu elle puisse etudier, l a mariee a quinze ans. C est d ailleurs a cet age qu elle a eu son premier enfant. Je ne vais pas passer ma vie a rien faire a attendre que les choses m arrivent, qu elle dit. Catholique, elle a prie. Et dans des eglises anglaises, pour que Dieu lui permette de lire les pamphlets. A force d y croire, elle y est tout simplement parvenue. Un jour, elle a meme decide de partir visiter son pays en entier, toute seule. Je vais te transmettre mon don, qu elle dit. J ai appris qu on pouvait apprendre n importe quoi dans la vie, et tu apprendras le hindi comme j ai appris l anglais.

...Il est a noter que le hindi s ecrit avec un alphabet propre et pas evident, qu elle a reussi a m apprendre presque parfaitement en trois jours. Et a toutes les fois que je trace une lettre comme du monde, elle me faisait de grands sourires d encouragement, j ai l impression d avoir six ans.


Apres une heure intensive de langue, on se met aux fourneaux. Elle dit: en une petite heure, on a tout fini. On en a pour trois. Elle insiste pour inviter Maryse a partager notre paneer tikka masala, nos legumes korma, et nos momos tibetains. A se rouler par terre, sans aucune hesitation. Et jour apres jour, ca continue; les dosas, le pain Naan, la soupe aux lentilles jaunes, le curry de pois chiches et les samosas. Et du bon the chai, cela va s en dire, avec beaucoup de gingembre et de cardamone. Sous une douce lumiere refletee par le Gange.


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Parfois, je suis de mauvaise humeur, malgre tout. Quand tout le monde medite et fait du yoga, j ai parfois envie d ecouter du Francois Perusse pendant des heures. Maryse comprend tres bien, ses hormones a elle aussi font leur travail.

Voila que Hari decide de nous sortir de notre mauvais mood en envoyant ses deux cousins cutes (TRES cutes) nous faire une looooongue promenade en moto dans les montagnes, sous la lumiere oranger de quatre heures de l apres-midi.

Ici, il faut prendre une petite minute pour visualiser.


:)

Le mauvais mood il est parti.


Enweye ti-gars, pese sus l gaz.

dimanche 10 février 2008

Notes de cours

J ai lu sur un paquet d allumettes quelque chose qui sonne un peu comme suit:
La vie est une discipline pour laquelle on n a pas pris assez de notes de cours.

Voila.
C est pour ca que j ecris un blogue, meme si personne le lit.

vendredi 8 février 2008

Hypocondriaque

Maryse et moi nous sommes fait un nouvel ami au cafe Internet, un grand coeur dans un tout petit bout d homme qui s appelle Ashu.
Quand je passe de longues heures a ecrire mon blogue, Ashu m offre du cafe, car il est proprietaire du restaurant au-dessus (que nous aimons beaucoup, d ailleurs).
Ashu est du caste des Brahmans, les sages, les preux. Mais il est profondement convaincu que mediter trop rend fou. Et il croit qu en chaque homme, il y a une divinite qui n a pas besoin de porter de nom.
Maryse est toujours malade. Et elle est grugee par la peur d etre toujours encore plus malade. Regardez toutes les bibittes que vous nous avez mis dans la tete en nous effrayant avec la malaria, la diarrhee et la peste. Je suis convaincue que c est le stress bien plus que la bouffe qui fait chier mou, ici.

Je dis a Maryse qu elle a un systeme immunitaire de moumoune a cause du vegetarisme. Elle met la faute sur les antibiotiques que ses parents lui ont donne. Hari et Ashu prennent bien soin d elle, se marrent a lui faire bouffer du porridge. Ils lui ont recommande un medecin ayurvedique qui fait apparemment des miracles, devine tous les problemes du monde en tatant le pouls, fait inhaler des herbes qui puent, fait des massages de plexus solaires. Puisque Maryse est hippie, c est precisement ce dont elle a besoin.
Curieux: depuis qu elle a vu le medecin, elle va beaucoup mieux.
Je m abstiens de plus de commentaires.
Hari met de la pression pour que j y aille moi aussi. Je suis en parfaite sante, je dis. Il s en fout, vas-y pareil. On verra.

***

Ashu nous invite a souper avec un de ses amis qui a grandi a Mumbay et qui vit maintenant en Grece, apres avoir passe quelques annees de sa vie a Hong Kong. On atterrit au deuxieme etage d un immeuble parfaitement incognito depuis l exterieur, mais dont le decors tres New Age nous plonge immediatement dans un etat de bien etre. Les grandes banquettes surelevees nous oblige a s asseoir en Indien (haha!), tous les murs sont recouvert de paille tressee, et l eclairage est tamise par des lampes artisanales suspendues au plafond.
Nous discutons.
Pendant des heures, et des heures, sans voir le temps passer.

Nous parlons de mariage, qui a une place bien centrale dans la culture Indienne.
Mariage arrange par les parents, dans 90% des cas, dois-je preciser. Comme cette idee est insupportable a une mentalite occidentale, la discussion s arrete bien rapidement a nos tables. Immonde, arriere, a l encontre du droit de l homme, et ca finit la.
Et voila que le temps assouplit les mentalites, d un cote comme de l autre de l ocean qui nous separe, et on en arrive a parler et a ecouter avec un parfait equilibre.
Rien ne m oblige a prendre position. En ce pays, c est la regle du bonheur, je crois. Et c est la regle que nos deux hotes de la soiree ont manifestement adopte, egalement. Quelle merveille, ce type de conversation.


Voici.

Point 1.
Supposons que nous devions passer toute notre vie avec une personne que nous n aimons pas, a se faire pitcher des roches si on regarde trop longtemps ailleurs. Et cette personne que nous n aimons pas, il faut lui faire dix-huit enfants (oui, j eeeeexagere). Il faut se tapper les hormones, lui faire a manger, faire son lavage. Statut de le femme, priorite non classee.

Point 2.
Supposons que nous devions passer notre vie a faire des essais-erreurs sans jamais tenter de reellement investir. Supposons qu en recherchant une perfection sterile chez l autre, nous en oubliions la beaute de l echange et de l ecoute, la gratuite, le devouement. Et que nous nous cherchions nous-meme, de maniere narcissique, dans la beaute de quelqu un sur mesure. Sans prendre reellement le temps de s interesser a la reelle beaute de l autre dans sa difference, en passant son temps a la fuir.

Point 1.
Supposons que chacun ait des traits de personnalite, des interets, des reves, des desirs bien particuliers et que personne ne puisse les connaitre mieux que soi-meme. Ce ne sont pas aux parents de cuisiner des combinaisons improvisees la-dessus.

Point 2.
Supposons que mes parents aient crie: YESSIR apres chaque chum que j ai laisse. Et qu ils me disent avec tout leur amour: ce n etait pas un gars pour toi. Ils le savaient peut-etre avant moi.
Et voila.
J ai compris le point.
C est tout ce qui importe, puisque nous vivons dans un monde d imperfections ou tous les parents ne sont peut-etre pas aussi cools que les miens.
Vous etes les plus meilleurs, je suis tellement chanceuse, que vous me patentiez un mariage ou pas.

...PAS, s il vous plait.

...Quand meme.

***

Je passe plusieurs heures a lire et a ecrire dans un petit restaurant grano, qui prepare le meilleur chai de l univers, et qui offre une vue sublime sur le Gange, le pont de Lakshman Jula anime par des regiments de singes, et les superbes ashrams de l autre cote de la rive.
Maryse et moi sommes sublimees par les cabrioles des primates. Nous poussons des: oooooooooh et des aaaaaaaaah tout le long du diner.
Hari: Sont cutes, hein, les singes? Voila, ils ont le droit de vivre, eux-autres. Mais etant donne que des coquerelles, c est laid, il faut les ecraser. C est arriere, comme mentalite.

Bon, je pense qu apres les vaches, les singes, les elephants, les taureaux et les rats, on va devoir ajouter les coquerelles a l evantail des animaux sacres.

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L Inde est un superbe clash entre la tradition et la modernite (il est a noter qu il pleut des diplome en informatiques en ce pays, que de beaux jeunes hommes font des rides de motos avec un coat de cuir, et ecrivent Krishna sur leur becyk a gaz).
Un type que je rencontre sur la route menant a la plage au sable blanc me dit qu un sms, c est comme une priere, mais avec accuse de reception. C est concretiser en message-texte, sur un cellulaire, la pensee qu on a pour quelqu un.
Dans le meme genre de reflexions, K.D. dit d ailleurs qu un mantra, c est comme une adresse courriel; si tu fais des fautes, ca se rend pas.

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Comique.
Au Quebec, pour dire qu on va aux toilettes, on dit qu on va au ptit coin.
Pour dire qu ils vont aux toilettes, les Indiens disent qu y vont au Pakistan.

jeudi 7 février 2008

Je veux pas savoir quand je vais mourir

Je rencontre un professeur de meditation sur la route qui mene a la plage au sable blanc. Je m arrete sur le bord de la route avec Maryse, sous un soleil tappant de trois heures, pour un the menthe-citron-miel-gingembre prepare avec amour a meme le trottoir.
L homme parle a peine, respire a peine. Maryse est interessee a savoir ce qu on apprend dans un cours de meditation. Apres tout, en soi, mediter signifie: ne rien faire, penser a rien, s imaginer dans le fond qu on n est rien. Enseigner en soi va un peu a l encontre du principe.
L homme repond. Je retiens un exercice en particulier.
A un moment donne de la seance, il demande a tous les particippants de se fixer longtemps dans les yeux a tour de role pour finalement s y voir soi-meme (au-dela du simple reflet physique dans la pupille). Parce que, dit-il, il n y a qu une seule et meme ame, au-dela de sept milliards d egos sur cette terre.
Certains diront que ce principe est tres exagere. Peut-etre.
Je me permets une reflexion, parce que c est mon blogue.
Nous avons tous des criteres acquis, mais peut-etre pas justifiables ou remis en question, a partir desquels nous jugeons ce qui est exagere ou pas. Oui, le cerveau humain a tout simplement ses limites, il demande souvent plusieurs concepts de base pour se mettre en marche. Ces fondations, justement, celles qui ont une grande place dans le subconscient, elles ont parfois la chance de s ebranler face a la difference, grace a l ecoute. Nous disons tres certainement tous des niaiseries sans meme s en rendre compte. Est-ce que les niaiseries des uns sont meilleures que les niaiseries des autres? Et est-ce que les niaiseries des autres peuvent, par miracle, nous faire realiser les notres?
Supposons que Monsieur le professeur dise des niaiseries, je me dis seulement que le fait de croire en une seule ame universelle est un tres joli concept qui pourrait mener a l ouverture.
Et ca, j aime bien. Et si on y croyait, pour le fun, si c est pas pour de vrai.

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Puneet, vendeur de pierres precieuses dans une petite bijouterie sur cette rive tres mystique du Gange, est un etre d une sagesse qui m a sciee en deux. On m en avait parle, j ai eu envie de le rencontrer.
Un petit bonjour, il offre gentiment du chai, et il se met a parler comme si le temps n existait plus. D ailleurs, il commence justement en expliquant que le temps, en faite, n existe pas. Il s agit d une conception comme tant d autres qui se rangent dans ces fameuses fondations du subconscient et qui y restent, comme du vieux linge qu on veut pas donner a personne. Il dit que ce monde materiel est comparable a des vagues sur un vaste ocean; on n arrive pas a les saisir. Une fois dans nos mains, seule demeure l eau (et encore). Si on passe sa vie a essayer d attrapper des vagues, on devient immanquablement fru. Et on passe a cote de toutes les merveilles que nous reservent les fonds marins.
Le defi d une vie humaine: tenter de trouver l essence qui demeure, sous la surface.
Paaaaaas facile.
Apres un mois en Inde, j ai la quasi-pretention d avoir une idee du flocon de neige sur le boutte du boutte du ptit pique en haut de la bosse apparente du dessus de l iceberg en superficie de la mer sur ce que ca pourrait bien etre.
Et ca a un rapport presque direct avec cette etrange idee d ame universelle.

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Je lui montre mes deux paumes de main.
Une chose s il vous plait, je veux pas savoir quand je vais mourir, que je dis.
Le plus serieusement du monde: voyons dont, l ame meurt jamais, qu y repond.

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Avec Puneet, le temps, concept comparable aux vagues en superficie de l ocean si j ai bien compris (???), passe comme un couteau dans le beurre (je n ai pas trouve une analogie moins agressive, meme si j aurais bien voulu).
Combien je vous dois pour ces precieuses parcelles de sagesse, je demande.
Il repond: ce que tu m aurais donne, prend-le pour acheter des biscuits, et distribue-les a ceux qui ont faim.
Ca y est. Plus de mots.

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Oui, un mot. Le mot de la fin.
L Inde est merveilleuse, mais la liberte d expression a la quebecoise est une chance inestimable. Voici, j en profite.
J accepte par consequent des commentaires tout aussi libres du type: gang de mongoles qui sentent le patchouli, arretez de voir des pouliches dans le Gange.
...Mais 0 commentaire...
C est un peu plate.
...quand meme.

mardi 5 février 2008

Kshatrya

Petite reflexion sur donner et recevoir.
Donner ca veut souvent dire gentil, et recevoir c est passif-fout-rien. Genre, donner un cadeau, de l argent, des compliments; recevoir un cadeau, de l argent, des compliments.
Mais on peut aussi donner quelque chose pour s en debarrasser. On peut donner de la marde a quelqu un (c est pas beau les gros mots!).
Tandis que recevoir chez soi, c est offir son hospitalite. Et accepter l autre, c est recevoir sa difference. Ecouter l autre, s approprier un message, c est donner de son temps. Et dans les deux cas, ce n est pas si passif que ca, je trouve.
Donner et recevoir, voila... Dans le fond, c est pas mal la meme chose, me semble.

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Une autre petite reflexion sur le chialage.
Au Quebec, on est chialeux. Voici ma theorie.
On considere chialer comme l evacuation verbale de ses critiques interieures negatives, temoignant de l intellect et de la personnalite propre du chialeur. Autrement dit: je chiale, donc je pense, donc je suis. Comme si chialer purifiait le corps de ses tensions pas contentes.
Si je m inspire de la mentalite indienne, j en viens a la theorie suivante: chialer, c est envoyer de mauvaises ondes karmiques qui en viennent a se repercuter sur soi-meme apres avoir fait dix fois le tour de la planete, ca rebondit partout, ca fait comme des tsunamis et ca se transforme en un cercle vicieux qui nous rend encore plus chialeux. Icitte, y a des vaches sur l autoroute et personne se plaint du traffic. A partir du moment ou je me suis rendue compte que chialer n evacuait rien, n arrangeait rien, n allarmait personne, mais venait plutot renforcer l idee d un soi-disant motif a chialer par un mantra plein de negativite, me semble que j ai moins envie de chialer. Et, surprise: ne pas chialer rend effectivement de bonne humeur, c est surprenant.

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Maryse s est levee un matin tannee de ses cheveux. Elle me dit: Je prends ma couette et je coupe sans regarder.
Je lui suggere de couper la couette sans regarder a sa place. Sur ce, on sort une chaise, une poubelle, et des ciseaux a bouts ronds sur le balcon, face au Gange et a L Himalaya. Tu les veux courts, je demande. Oui madame, qu elle repond. Courts comment, je demande. Courts comme tu veux, qu elle repond. Alors je coupe, je coupe, je coupe, je ris comme une folle parce que j hesite entre c est pas si pire, aye c est beau dans l fond, et c est laid mais c est mieux que si tu l avais fait toi-meme. Finalement elle a une coupe asymetriquement voulue avec une frange a la Amelie Poulain, et je suis fiere de mon coup.
Le lendemain, elle les rase.

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On mange a la table a huit. Il y a une coquerelle qui se promene sur la table en sortant du panier de chapatis. Endurcie par le Vietnam, je l effouerre en-dessous de mon verre d eau. Hari me regarde avec des grands yeux mechants qui tuent. Elle a le droit de vire, qu y dit. C EST UNE COQUERELLE, que je reponds. PIS?, qu y dit. Quoi, tu veux lui faire des funerailles?, que je reponds. La tension monte. Guerre des clans.
Une autre coquerelle sort de la meme corbelle a chapatis. Hari la prend pis la sort dehors. Valerie avertit le serveur qu il y a des coquerelles dans le panier a chapati. Il s en fout. On termine le souper avec une coquerelle ecrapoue sur la nappe, et sa soeur vit toujours en liberte.

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La tension descend.
Hari. Mechant caractere.
C est sur que j ai du caractere, qu y dit. Je suis Kshatrya.
- Hein?
- Je suis du caste des Kshatrya, les guerriers.
Maryse rit.
On niaise pas avec ca, Hari repond. Quand j etais p tit, mon pere me laissait pas jouer avec le voisin parce qu il etait Sudra (le caste des concierges). Maintenant le p tit voisin boit du rhum and coke chez nous parce que les mentalites ont evolue.
Maryse dit que les castes, c est de la bullshit.
Moi, je pense que si tes parents, et les parents de tes parents, et les parents des parents de tes parents se repetent qu ils sont comme ca, ben immanquablement, ils vont devenir comme ca. Ils s enseignent a devenir des Kshatryas parce qu ils se croient Kshatryas, ben ils vont DEVENIR des Kshtryas. C est comme le p tit gars pas bon a l ecole. Si tout le monde lui rappelle qu il est poche, ben il a ben des chances de devenir encore plus poche.
Hari ajoute:
Tu peux bien parler, Gen. Toi aussi t es une Kshatrya, avec un caractere de meme.
- Mets-en que je suis une Kshatrya. Mon nom, c est Gravel-Drolette.

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On va manger au milieu de nulle part. En carnivores, je mange du mouton; en vegetarienne plate, Maryse prend du Paneer.
En revenant a l hotel, Maryse vomit toute la nuit. Je lui donne des Gravols mais elle les vomit.
Elle veut vomir dans la chaudiere a bain, mais elle ne peut pas s en servir parce qu elle y a emprisonne la plus grosse coquerelle que j ai jamais vue de ma vie.
2 lecons:
1. c est mal, le vegetarisme.
2. faut TUER les coquerelles parce que sinon elles grossissent et reviennent se venger de les avoir laissees en vie.

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Hari nous affirme que, s il dort tout seul dans son deux et demie, quelqu un va sortir d un garde-robe pour venir le manger.
...Kshatrya?
Ok, les castes, la...
...va falloir m expliquer plus en details, messemble que ca marche pas.

samedi 2 février 2008

Klaxonnez s.v.p.

Je suis allee voir mon troisieme film de Bollywood au cinema.
Voici l histoire, vous allez voir, c est passionant.
C est une fois une fille qui se fait droguer dans un bar par un imbecile (ca, on l apprend a la fin) et qui oublie toute une journee de sa vie. Pour l aider a demeler ses souvenirs, elle fait appel a un beau policier corrompu qui recoit l argent des commerces illegaux, tse la, ceux qui ont pas de permis d alcool mais qui en vendent quand meme.
Dois-je preciser: il s agit volontairement d une comedie. Le public a reagi en consequence, dommage pour les deux pauvres quebecoises que Maryse et moi sommes de ne pas avoir catche les jokes. Nous nous sommes contentees de fumer des cloppes et de rire des choregraphies.
Hari a parle au cellulaire durant toute la representation, entre deux gorgees de rhum-and-cafe (concocte maison, dois-je rappeler que l alcool n est pas legal a Rishikesh); il a rien compris et nous a fait un pauvre resume une fois le film termine. A la fin de cette representation, personne n etait endormi saoul mort sur son siege. Meilleure chance la prochaine fois.

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Hari dit: Si toutes les religions tentent d enseigner l amour, il n y en a qu une qui y parvient clairement... par le biais du Kama Sutra.

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Neuf heures un jeudi matin, quatre quebecois quittent pour la ville d Okhimath, dans l Himalaya, pour une petite fin de semaine de trekking.
Il y a un pere, Jacques, et son fils, Francois, partenaires de voyage depuis des annees. Il y a Maryse, arrivee en Inde depuis quelques jours, qui partage sa chambre avec Genevieve (mouaaa). Pour guide, il y a encore et toujours Hari, fauve des montagnes comme dirait ce cher Robert, qui ne parle pas francais, mais qui sait dire: attend, attend!, caca de la vache, pas gentil, saoul, pompette, salut ma belle (sans distinction pour les sexes), on y va, mille trois cents metres. Et pour chauffeur, il y a Amit, qui ne parle pas anglais ni francais, mais qui sait dire Thank You avec ses grands yeux en amande.
Je me checke les dents dans le retroviseur pour me rendre contre que ce dernier est aussi utile que les sapins-sent-bon qu on accroche dessus. Ici, c est la loi du klaxon, sur la voie de gauche. Le derriere des camions indique d ailleurs: klaxonnez s il vous plait.
On sillonne les montagnes avec notre mal de coeur (INEVITABLE, meme pour les estomacs les plus solides). Les faces a faces froles sur le bord des precipices sont aussi frequents que les vaches qu on croise, JAMAIS Amit ne se sert du frein. On apprend a vivre avec et on met la sitare dans le tapis de la vanne.
On passe par de multiples villages en pleine montagne, colores par des champs de moutarde a perte de vue, et de vallees par lequel coule un Gange turquoise profond.
Nous arrivons finalement a destination, la ville d Okhimath, ou nous pouvons apercevoir les sommets enneiges au crepuscule.
Une fois la nuit tombee, les mantras resonnent en sourdine. La vibration du chant humain a un impact sur toute la planete, dit Hari.
Il fait froid, on se rechauffe avec du rhum-and-coke et des cashews.
On fait un feu et on se bourre dans le curry a la lumiere des etoiles, incroyablement nombreuses sous un ciel sans nuage.
Hari, qui pense a tout, termine la veillee en nous roulant un joint made-in-Himalaya. Evidemment, moi, je dis: NON, LA DROGUE, C EST MAL et j y touche meme pas avec un manche a balais.
...Je peux seulement dire que les etoiles etaient vraiment... relax, cette soiree-la. Shiva etait avec nous-autres.

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Le lendemain, ben....
On a marche toute la journee, on a monte environ mille cinq cents metres en quelques heures (1300m - 2800m); oui, on etait essoufles, mais il faisait soleil, il y avait de la neige et des traces de leopard dedans, c etait magnifique. Pas de mots. Juste... une si belle journee.
Et le soir, on s est roules un autre batte, en regardant les etoiles.
...(on exclut evidemment la personne qui paaaarle).

***

Petite histoire.

Un roi tres riche, faisant preuve d une generosite legendaire envers son peuple, vint a s enorgueillir de cette qualite. Un jour, un tout petit homme vint cogner a sa porte pour revendiquer un bout de terre.
Le roi l accueillit en lui demandant:
De quelle grandeur de terre as-tu besoin?
- Seulement trois pas.
Le roi, ebahi, regarda les jambes de son interlocuteur avant de s exclamer:
Seulement trois pas? J ai tant d hectares a te donner! Comment peux-tu ne vouloir qu un bout de terre de trois pas?
- Cela me sera amplement suffisant, mon roi.
- J ai un immense terrain tres fertile niche sur la montagne tres pres. Ou encore, pres d un lac ou l eau est claire comme du cristal. Je peux te donner ce que tu veux.
- S il vous plait, mon roi. Je n ai reellement pas besoin de plus.
Apres de longues minutes a tenter de convaincre son humble sujet sur la richesse des terres qu il pouvait lui offrir, le roi en vint a ceder a sa modeste requete.
Il accompagna son sujet jusqu a la terre promise. Ce dernier, soudainement, se mit a grandir, et a grandir, et a grandir de plusieurs, plusieurs, plusieurs metres. Il parcoura la moitie de la terre d un seul pas, l autre moitie d un second. Mon roi, demanda-t-il, ou puis-je maintenant poser mon troisieme pas?
Reconnaissant Vishnu, le protecteur, le roi s inclina de honte et repondit: Seigneur, posez-le sur ma tete.
Vishnu reprit soudainement l incarnation du petit homme avant de lui lancer cette lecon: Tu es un bien grand roi. Ta generosite est exemplaire. Mais tu fais fausse route en t enorgueillant de toutes tes bonnes actions.

***

Apres quelques heures de route en revenant d Okhimath, Amit nous debarque tous au milieu de nulle part. Hari sait.
Il nous guide dans un petit village en pleine montagne, sous un soleil tappant, ou nous grimpons par des chemins de pierres avant d etre accueillis par les Namaste chaleureux des habitants - a ce sujet, namaste ne signifie pas seulement salut, mais bien: je salue la divinite qui est en toi. Les maisons rustiques sont reliees entre elles par des guirlandes scintillantes, signes d un rescent mariage, et des chevres, des chiens, des vaches, des anes et des poulets gambadent joliment la-dedans. La vue sur les montagnes vertes et sillonnees de chemins etroits coupe le souffle.
C est le village de mon pere, nous dit Hari, avec une immense fierte dans les yeux. Il ne faut que le temps d une becosse pour qu on nous recoive, en plein air, avec du chai brulant, qu on depose devant nous de grandes feuilles vertes en guise de napperon.
...Tiens, non; pas napperon. Assiette.
Voila qu on nous serre d abord une grande louche de riz aromatise la-dessus, rapidement ensevelie sous un dhal de lentilles noires en sauce bien relevee.
Bon appetit! Nous lance Hari, les deux mains dans la giblotte.
Les trois autres Quebecois et moi prenons tout de meme une seconde pour chercher les ustenciles, avant d observer avec quelle agilite Hari engloutit son plat.
Merci pour le Purell, Francois, lance Jacques dans un Quebecois bien discret. Faut pas oublier de manger de la main droite, ajoute Maryse. Nous rions de nous-memes en appreciant, bien maladroitement, ce delicieux plat typique. Malgre nos taches de Pablum, nous en redemandons.
On depose au centre de la table une grande cruche d eau et du savon pour nous laver les mains, puis on nous offre des friandises qui rappellent les biscuits a la melasse et les mangues confites dans le sucre. Un homme s avance finalement avec une soucoupe remplie d un epais liquide rouge et vient en marquer nos fronts en recitant des prieres. Hari, bien de retour chez lui, semble ne comprendre en rien l emotion qui nous habite a cette table. Nous avons l air un peu tatas, mais sommes tellement seduits que les mots ne veulent plus rien dire.

L hospitalite a l Indienne est la plus belle et la plus grande lecon d humilite que je n ai jamais recue de ma vie.