samedi 2 février 2008

Klaxonnez s.v.p.

Je suis allee voir mon troisieme film de Bollywood au cinema.
Voici l histoire, vous allez voir, c est passionant.
C est une fois une fille qui se fait droguer dans un bar par un imbecile (ca, on l apprend a la fin) et qui oublie toute une journee de sa vie. Pour l aider a demeler ses souvenirs, elle fait appel a un beau policier corrompu qui recoit l argent des commerces illegaux, tse la, ceux qui ont pas de permis d alcool mais qui en vendent quand meme.
Dois-je preciser: il s agit volontairement d une comedie. Le public a reagi en consequence, dommage pour les deux pauvres quebecoises que Maryse et moi sommes de ne pas avoir catche les jokes. Nous nous sommes contentees de fumer des cloppes et de rire des choregraphies.
Hari a parle au cellulaire durant toute la representation, entre deux gorgees de rhum-and-cafe (concocte maison, dois-je rappeler que l alcool n est pas legal a Rishikesh); il a rien compris et nous a fait un pauvre resume une fois le film termine. A la fin de cette representation, personne n etait endormi saoul mort sur son siege. Meilleure chance la prochaine fois.

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Hari dit: Si toutes les religions tentent d enseigner l amour, il n y en a qu une qui y parvient clairement... par le biais du Kama Sutra.

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Neuf heures un jeudi matin, quatre quebecois quittent pour la ville d Okhimath, dans l Himalaya, pour une petite fin de semaine de trekking.
Il y a un pere, Jacques, et son fils, Francois, partenaires de voyage depuis des annees. Il y a Maryse, arrivee en Inde depuis quelques jours, qui partage sa chambre avec Genevieve (mouaaa). Pour guide, il y a encore et toujours Hari, fauve des montagnes comme dirait ce cher Robert, qui ne parle pas francais, mais qui sait dire: attend, attend!, caca de la vache, pas gentil, saoul, pompette, salut ma belle (sans distinction pour les sexes), on y va, mille trois cents metres. Et pour chauffeur, il y a Amit, qui ne parle pas anglais ni francais, mais qui sait dire Thank You avec ses grands yeux en amande.
Je me checke les dents dans le retroviseur pour me rendre contre que ce dernier est aussi utile que les sapins-sent-bon qu on accroche dessus. Ici, c est la loi du klaxon, sur la voie de gauche. Le derriere des camions indique d ailleurs: klaxonnez s il vous plait.
On sillonne les montagnes avec notre mal de coeur (INEVITABLE, meme pour les estomacs les plus solides). Les faces a faces froles sur le bord des precipices sont aussi frequents que les vaches qu on croise, JAMAIS Amit ne se sert du frein. On apprend a vivre avec et on met la sitare dans le tapis de la vanne.
On passe par de multiples villages en pleine montagne, colores par des champs de moutarde a perte de vue, et de vallees par lequel coule un Gange turquoise profond.
Nous arrivons finalement a destination, la ville d Okhimath, ou nous pouvons apercevoir les sommets enneiges au crepuscule.
Une fois la nuit tombee, les mantras resonnent en sourdine. La vibration du chant humain a un impact sur toute la planete, dit Hari.
Il fait froid, on se rechauffe avec du rhum-and-coke et des cashews.
On fait un feu et on se bourre dans le curry a la lumiere des etoiles, incroyablement nombreuses sous un ciel sans nuage.
Hari, qui pense a tout, termine la veillee en nous roulant un joint made-in-Himalaya. Evidemment, moi, je dis: NON, LA DROGUE, C EST MAL et j y touche meme pas avec un manche a balais.
...Je peux seulement dire que les etoiles etaient vraiment... relax, cette soiree-la. Shiva etait avec nous-autres.

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Le lendemain, ben....
On a marche toute la journee, on a monte environ mille cinq cents metres en quelques heures (1300m - 2800m); oui, on etait essoufles, mais il faisait soleil, il y avait de la neige et des traces de leopard dedans, c etait magnifique. Pas de mots. Juste... une si belle journee.
Et le soir, on s est roules un autre batte, en regardant les etoiles.
...(on exclut evidemment la personne qui paaaarle).

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Petite histoire.

Un roi tres riche, faisant preuve d une generosite legendaire envers son peuple, vint a s enorgueillir de cette qualite. Un jour, un tout petit homme vint cogner a sa porte pour revendiquer un bout de terre.
Le roi l accueillit en lui demandant:
De quelle grandeur de terre as-tu besoin?
- Seulement trois pas.
Le roi, ebahi, regarda les jambes de son interlocuteur avant de s exclamer:
Seulement trois pas? J ai tant d hectares a te donner! Comment peux-tu ne vouloir qu un bout de terre de trois pas?
- Cela me sera amplement suffisant, mon roi.
- J ai un immense terrain tres fertile niche sur la montagne tres pres. Ou encore, pres d un lac ou l eau est claire comme du cristal. Je peux te donner ce que tu veux.
- S il vous plait, mon roi. Je n ai reellement pas besoin de plus.
Apres de longues minutes a tenter de convaincre son humble sujet sur la richesse des terres qu il pouvait lui offrir, le roi en vint a ceder a sa modeste requete.
Il accompagna son sujet jusqu a la terre promise. Ce dernier, soudainement, se mit a grandir, et a grandir, et a grandir de plusieurs, plusieurs, plusieurs metres. Il parcoura la moitie de la terre d un seul pas, l autre moitie d un second. Mon roi, demanda-t-il, ou puis-je maintenant poser mon troisieme pas?
Reconnaissant Vishnu, le protecteur, le roi s inclina de honte et repondit: Seigneur, posez-le sur ma tete.
Vishnu reprit soudainement l incarnation du petit homme avant de lui lancer cette lecon: Tu es un bien grand roi. Ta generosite est exemplaire. Mais tu fais fausse route en t enorgueillant de toutes tes bonnes actions.

***

Apres quelques heures de route en revenant d Okhimath, Amit nous debarque tous au milieu de nulle part. Hari sait.
Il nous guide dans un petit village en pleine montagne, sous un soleil tappant, ou nous grimpons par des chemins de pierres avant d etre accueillis par les Namaste chaleureux des habitants - a ce sujet, namaste ne signifie pas seulement salut, mais bien: je salue la divinite qui est en toi. Les maisons rustiques sont reliees entre elles par des guirlandes scintillantes, signes d un rescent mariage, et des chevres, des chiens, des vaches, des anes et des poulets gambadent joliment la-dedans. La vue sur les montagnes vertes et sillonnees de chemins etroits coupe le souffle.
C est le village de mon pere, nous dit Hari, avec une immense fierte dans les yeux. Il ne faut que le temps d une becosse pour qu on nous recoive, en plein air, avec du chai brulant, qu on depose devant nous de grandes feuilles vertes en guise de napperon.
...Tiens, non; pas napperon. Assiette.
Voila qu on nous serre d abord une grande louche de riz aromatise la-dessus, rapidement ensevelie sous un dhal de lentilles noires en sauce bien relevee.
Bon appetit! Nous lance Hari, les deux mains dans la giblotte.
Les trois autres Quebecois et moi prenons tout de meme une seconde pour chercher les ustenciles, avant d observer avec quelle agilite Hari engloutit son plat.
Merci pour le Purell, Francois, lance Jacques dans un Quebecois bien discret. Faut pas oublier de manger de la main droite, ajoute Maryse. Nous rions de nous-memes en appreciant, bien maladroitement, ce delicieux plat typique. Malgre nos taches de Pablum, nous en redemandons.
On depose au centre de la table une grande cruche d eau et du savon pour nous laver les mains, puis on nous offre des friandises qui rappellent les biscuits a la melasse et les mangues confites dans le sucre. Un homme s avance finalement avec une soucoupe remplie d un epais liquide rouge et vient en marquer nos fronts en recitant des prieres. Hari, bien de retour chez lui, semble ne comprendre en rien l emotion qui nous habite a cette table. Nous avons l air un peu tatas, mais sommes tellement seduits que les mots ne veulent plus rien dire.

L hospitalite a l Indienne est la plus belle et la plus grande lecon d humilite que je n ai jamais recue de ma vie.

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